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BERLINALE 2024 Berlinale Special

Critique : Averroès et Rosa Parks

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- BERLINALE 2024 : Un an après son Ours d’or avec Sur l’Adamant, Nicolas Philibert revient avec le second volet de son triptyque sur les troubles de l’esprit, un film encore plus impressionnant

Critique : Averroès et Rosa Parks

"Qu’est-ce que tu en penses ?" Ce tag sur un mur de l’hôpital Esquirol, en bordure de Paris, au cœur duquel Nicolas Philibert a installé sa caméra (avec sa bienveillance et son art immersif habituels) pour le remarquable Averroès et Rosa Parks [+lire aussi :
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interview : Nicolas Philibert
fiche film
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, dévoilé au programme Berlinale Special de la 74e Berlinale, pourrait bien résumer à lui seul l’intention du cinéaste au moment d’aborder le second volet de son triptyque sur les souffrances de l’esprit après Sur l’Adamant [+lire aussi :
critique
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interview : Nicolas Philibert
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(couronné par l’Ours d’or l’an dernier et désormais nominé au Prix LUX du Public).

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Car c’est bien de la pensée dont il est question, avec ses déraillements chez certains et leurs efforts poignants pour la remettre sur les rails et s’empêcher de s’abîmer dans les angoisses, les obsessions, le poids paralysant du passé, les doutes sur l’avenir et la vie en société. La pensée aussi des soignants qui écoutent, dialoguent, tentent de nouer un fil, de tisser une relation, de donner un sens, une direction vers du mieux, ce qui n’est pas toujours une sinécure vu la propension ultra développée aux vagabondages de l’esprit et la profondeur abyssale des peurs et des blocages de nombre de personnes hospitalisées dans les unités Averroès et Rosa Parks. Et la pensée enfin du spectateur qui touche littéralement du doigt la face cachée de la psychiatrie, cet univers hanté par des personnalités hyper-sensibles coincés de l’autre côté d’une frontière dont l’être humain en général pressent (et/ou craint) qu’elle est très proche de la "normalité".

C’est sur ce monde "un peu flippant, comme un pénitencier" de l’extérieur et à travers une quinzaine de consultations individuelles (ou de témoignages face caméra) et quelques ateliers collectifs que le film lève le voile, allant très au-delà des apparences. Une approche exceptionnelle de présence-invisibilité qui permet au réalisateur de rapprocher le public au plus près de la perception des patients, dans leur espace-temps singulier, dans toute leur vulnérabilité et leur lucidité à fleur de peau souvent émouvante, parfois drôle (on passe de Nietzsche à Mbappé, de Socrate à Steve Jobs), quelquefois effrayante (des paranoïas profondes et cauchemardesques). Une authenticité intense que le film sait entrecouper de quelques respirations tout en réussissant à saisir avec respect l’identité de tous les personnages, quel que soit le degré de folie dans laquelle ils se débattent.

En exposant dans sa réalité brute le paradoxe de "se réinscrire dans la vie  dans un hôpital", le film rend également un très bel hommage aux soignants et à l’extrême difficulté de leur métier. Mais il suggère aussi entre les lignes combien ce qui se dit, ce qui se confesse, ce qui circule, ce qui déborde au sein des unités psychiatriques, n’est qu’une cristallisation aigue du monde extérieur ("on suffoque, on est en guerre contre nous-mêmes"). Dans son style discrètement maitrisé et doux, Nicolas Philibert envoie un message puissant niché dans une œuvre documentaire de très haut niveau. Comme le dit un patient au hasard d’un débat : "à vous de comprendre".

Produit par TS Productions, Averroès et Rosa Parks est vendu à l'international par Les Films du Losange.

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