Critique : Arcadia
par Mariana Hristova
- BERLINALE 2024 : Le film de Yorgos Zois commence comme un thriller érotique mystérieux avec des éléments psychologiques, mais se mue peu à peu en (mélo)drame prévisible sur les relations humaines
Yorgos Zois, enfant de la fameuse "Weird Wave" (litt. "vague bizarre", ndlt.) du cinéma grec, a fait ses débuts il y a presque dix ans avec le troublant long-métrage Interruption [+lire aussi :
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interview : Yorgos Zois
fiche film], qui explorait la frontière nébuleuse entre fiction et réalité. Son film suivant, le nettement fictionnel Arcadia [+lire aussi :
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interview : Yorgos Zois
fiche film], actuellement au programme de la Berlinale dans la section Encounters, navigue dans l’espace intermédiaire entre la vie et la mort tout en oscillant entre des royaumes qui ressemblent au sommeil et à l’éveil. Presque dès le premier regard, on se sent immergé dans un univers étrange où événements et dialogues sont codés, de sorte que c'est le désir de leur trouver une interprétation qui maintient le spectateur en haleine tout au long de l'intrigue de plus en plus improbable qui se déploie ici.
Un médecin (Vangelis Mourikis) et sa compagne (Angeliki Papoulia), qui semble être sa femme, participent à l’identification de victimes d’un accident de la route survenu alors qu'ils étaient en voyage au bord de la mer. Il faudra la moitié du film pour qu’on comprenne ce qui rattachait ce couple aux défunts et pourquoi ils semblent aussi affectés, un jeu déroutant qui fait que l’attention du spectateur reste en éveil. Un autre élément accroche : les excursions nocturnes de la femme vers une plage louche pleine de gens nus un peu trop avides de satisfaire ses désirs charnels. Par ailleurs, des détails aguicheurs par leur inexplicabilité viennent rendre encore plus piquante la configuration déjà singulière entre ce qui se passe et les personnages : des chaussures qui collent et qu'on ne peut ôter, des gens qui s’accrochent à d’autres et ne veulent pas les lâcher, des séances de spiritisme... Tout autre commentaire sur l’intrigue gâcherait l'effet de surprise, mais on peut juste dire que tandis que le mystère est démêlé, l'histoire s'avère vieille comme le monde. C'est une histoire qui, sans l'inconnue du début, aurait peut-être été trop plate pour mériter qu’on la redise.
Depuis sa première apparition significative à l’écran (dans Dogtooth [+lire aussi :
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interview : Yorgos Lanthimos
fiche film] de Yorgos Lanthimos), Angeliki Papoulia semble rejouer encore et encore le même personnage, une femme avec des airs de biche terrorisée qui se retrouve happée à son insu dans des jeux pervers. Dans Arcadia, notre héroïne est littéralement placée dans une situation d'où elle observe sa vie sans passion, à distance, comme si aucune part de son destin ne dépendait d'elle. Son air mélancolique, souligné par les yeux tristes de Mourikis, répond de manière productive aux paysages automnaux habilement filmés par Konstantinos Koukoulios, qui ont quelques chose d'augural tout en donnant l'impression qu'on se trouve dans un monde irréel, nommément dans une Arcadie idyllique faite de désirs inexplicables qui sont à la fois terrifiants et attirants, et dont il n’est pas facile de se libérer. C’est peut-être l’accomplissement artistique le plus attrayant du film, surtout sur ce scénario ambitieux de Konstantina Kotzamani et Zois lui-même, dont la profondeur n'est pas à la hauteur de la fable trop alambiquée proposée.
Arcadia a été produit par les sociétés grecques Foss Productions et Homemade Films, en coproduction avec Red Carpet (Bulgarie) et Two & Two Pictures (États-Unis). Les ventes internationales du film sont gérées par Beta Cinema.
(Traduit de l'anglais)
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