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BERLINALE 2024 Generation

Critique : Elbow

par 

- BERLINALE 2024 : Ce récit d'apprentissage par Aslı Özarslan, qui se déploie entre la communauté des immigrés à Berlin et Istanbul, se démarque par son sens de l'économie en termes de narration

Critique : Elbow
Melia Kara dans Elbow

Tous les ans, la section Generation de la Berlinale comprend un récit d’apprentissage dont le jeune héros est un immigré, souvent oeuvre d'un auteur qui est lui-même un immigré de deuxième génération. Cette année, ce film est Elbow [+lire aussi :
interview : Aslı Özarslan
fiche film
]
de la Berlinoise d'origine turque Aslı Özarslan, coécrit avec Claudia Schaefer à partir d'un roman de Fatma Aydemir, mais s'il reprend bel et bien certains ingrédients classiques de ce sous-genre cinématographique, il se démarque par quelques éléments particulièrement sombres et violents, son économie narrative, sa variété thématique et sa profondeur, et enfin l'interprétation de la jeune actrice principale, Melia Kara.

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Elle joue Hazal, dont la mère turque est employée dans une boulangerie, et le père chauffeur de taxi. Hazal est sur le point de devenir majeure, et elle est très consciente de la xénophobie et du racisme qui existent au sein de la société berlinoise, et qui sont ici dépeints pas du tout dans une expression ordinaire, mais comme agressifs et direct. La jeune fille, en conflit constant avec sa mère, veut davantage pour elle-même que se contenter de faire caissière, serveuse ou prostituée, mais tout ce qu’elle vit et voit lui fait comprendre très clairement que c’est le seul type de futur possible pour "les gens comme elle". Sa mère, depuis longtemps désenchantée, est d’accord avec ça et voudrait qu'elle  se forme comme coiffeuse. À force de s'entendre continuellement dire des insultes, Hazal est de plus en plus amère, mais contrairement à beaucoup d’autres immigrés humiliés, elle refuse de se taire et ose même riposter.

Après que ses deux meilleures amies et elle se soient vu refuser l’entrée dans un club censé être cool où elle comptait fêter son anniversaire, dans une station de métro, les trois filles se font harceler et lancer des insultes raciales par un jeune homme. Elma (Jamilah Badgach), à qui on ne la fait pas, lui envoie un coup de poing, rejointe par Hazal. Sans le faire exprès, elles le tuent. Tout de suite après, on voit notre jeune héroïne s'enfuir vers Istanbul et tenter d'y surprendre son ami Mehmet (Doğa Gürer), lui aussi turc mais né à Berlin. Elle squatte chez lui, et il se révèle être à la fois plus et moins que ce à quoi elle s’attendait.

À Istanbul, une ville complètement étrangère pour elle, elle trouve un nouveau niveau de liberté, mais rencontre tout un nouvel ensemble de problèmes, et apprend qu’elle n’est pas chez elle ici non plus. Le coloc de Mehmet, Halil (Haydar Şahin), militant, lui ouvre les yeux sur la réalité de la question kurde, alors qu'Hazal elle-même n’est pas sûre de savoir à groupe ethnique sa famille appartient. "Ne sommes-nous pas tous turcs", demande-t-elle naïvement.

Presque toutes les scènes du film servent un objectif dramatique et narratif clair. L’amertume de Hazal et son attitude de défi sont subtilement dosées et son personnage se développe en fonction de cela, parfois de manière explosive. Les autres personnages aussi ont une belle épaisseur, quoique les dialogues dans les segments avec Halil fassent un peu forcés. La cheffe opératrice Andaç Karabeyoğlu-Thomas travaille de manière classique, ne recourant à la caméra à l'épaule que dans deux situations clefs. Le montage d’Ana Branea et David J. Achilles fait écho au développement du personnage, souvent au moyen de coupes abruptes et d'effets sonores bruyants.

Kara est excellente dans le rôle d'Hazal. C’est une jeune femme, mais elle a toujours un visage d’enfant et une énergie juvénile qui rend ses explosions encore plus détonantes et frappantes. C'est la manière dont la comédienne rend l'attitude de défi désespérée de Hazal qui dote ce personnage de sa facette la plus intéressante : sa position torturée en tant qu'elle est à la fois victime et bourreau. Cet aspect du film, allié à ses thèmes (l'identité, les relations familiales, la position dans la société, le choc culturel), s'avère sa dimension la plus captivante, et celle qui donne le plus matière à réfléchir.

Elbow a été coproduit par Achtung Panda! et JIP Film & Verleih en Allemagne, Tripode Films en France et Istos Film en Turquie.

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(Traduit de l'anglais)

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