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BERLINALE 2024 Forum

Critique : Semaine sainte

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- BERLINALE 2024 : Dans ce film historique, Andrei Cohn dissèque le cycle de la violence à travers l'histoire d'un aubergiste juif dans la campagne roumaine

Critique : Semaine sainte
Nicoleta Lefter, Doru Bem et Mario Gheorghe Dinu dans Semaine sainte

À la fin du XIXe siècle, un courant antisémite commencé de s'insinuer dans le monde politique et littéraire roumain : certains écrivains et poètes connus du pays se sont mis à utiliser leurs travaux pour attiser la haine contre la communauté juive locale. Ion Luca Caragiale, le dramaturge le plus célèbre du pays, fervent opposant à l’antisémitisme roumain, a écrit la nouvelle Le cierge de Pâques, sur l'hostilité de villageois de religion orthodoxe à l'égard d'un aubergiste juif. Le captivant Holy Week [+lire aussi :
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d'Andrei Cohn, présenté à Berlin dans la section Forum, est une adaptation de cette nouvelle qui montre comment le cycle de la violence est généré et exacerbé jusqu'à mener à la tragédie.

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Le héros du film est Leiba (Doru Bem, connu comme comédien de théâtre, excellent dans ce premier rôle principal au cinéma), un aubergiste juif qui vit avec sa femme, Sura (Nicoleta Lefter), et leur jeune fils Eli (Mario Dinu) dans la campagne roumaine à la fin du XIXe siècle. La vie de Leiba n’est pas sans difficultés. D'abord, il doit gérer les ivrognes du village et les clients mécontents, qui ne manquent pas une occasion de l’accuser d’être pingre ou de les arnaquer, mais son plus gros problème, c'est son employé Gheorghe (un excellent Ciprian Chiricheş), un bon à rien roumain qui répond mal quand on lui parle et ne fait que rarement ce qu’on lui demande. La mésentente entre l'aubergiste et Gheorghe s'envenime pendant la Semaine sainte orthodoxe, une fête religieuse qui ne signifie rien pour lui, mais qui est assez importante pour la communauté locale...

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de Radu Jude, car le film explore une série de micro-agressions qui élargissent le gouffre entre Leiba et les villageois. Pour se situer il y a plus d’un siècle dans un pauvre village roumain, l'intrigue, portée par les excellentes interprétations des deux acteurs principaux, s'érige en méditation pertinente, actuelle et universelle sur la xénophobie. Une pléthore de moyens sont utilisés pour générer le conflit dont Cohn garde parfaitement le contrôle tout de long, composant un tango dont on ne peut détacher les yeux, une danse non pas fondée sur l’amour et l'attirance, mais sur la haine. Ce qu’on voit ici (tandis que la caméra d'Andrei Butică maintient le public à distance) va au-delà de la religion et de l’antisémitisme (les Roms et les Turcs) sont mentionnés aussi, montrant que n'importe qui peut être une victime, et n’importe qui un vilain.

Oui, Holy Week est beaucoup trop long et certaines séquences trop ambiguës, mais le résultat n’en est en aucun cas moins efficace ou mémorable. Dans un an, le film de Cohn a toutes les chances de devenir un favori dans de nombreuses catégories aux Gopos du cinéma roumain. D'autant que ce film historique offre ce que très peu de films roumains parviennent à offrir : la reconstitution complète de tout un univers. Sans l’excellent travail du chef décorateur Cristian Niculescu et les costumes de Viorica Petrovici, il aurait été beaucoup plus difficile de happer ainsi le public et de le rendre témoin de toutes les choses pas spécialement saintes qui se passent ici.

Holy Week a été produit par Mandragora (Roumanie) et Bord Cadre Films (Suisse). Les ventes internationales du film sont assurées par Shellac.

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(Traduit de l'anglais)

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