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BERLINALE 2024 Panorama

Critique : Yo vi tres luces negras

par 

- BERLINALE 2024 : Dans son deuxième long, Santiago Lozano Alvarez se penche sur la confluence actuelle de la spiritualité, la médecine traditionnelle et le conflit paramilitaire dans la Colombie rurale

Critique : Yo vi tres luces negras
Manuel Valenzuela, Delio Angulo et María Estella Quintero dans Yo vi tres luces negras

Depuis la moitié du XXe siècle, la Colombie vit une des situations de guérilla et de conflit paramilitaire les plus complexes du monde. Des milices se sont constituées, en grande partie comme une réponse organisée à l’interventionnisme impérialiste des États-Unis qui a soutenu des groupes d’extrême droite et fini par conduire à une guerre civile. Aujourd’hui, ces affrontements affectent la vie des civils dans la Colombie rurale, où la sombre histoire du colonialisme espagnol et de l’esclavage a conduit à la naissance de communautés afro-colombiennes qui font vivre leur culture, leur héritage et leur spiritualité, mais sont confrontés à des menaces, économiques et politiques, de nombreuses provenances différentes.

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Dans son deuxième long-métrage, I Saw Three Black Lights, Santiago Lozano Alvarez s'attaque à ce contexte particulier et à cette confluence d'idées pour explorer la manière dont toutes ces difficultés se mêlent et s'additionnent pour les Afro-Colombiens dans la Colombie rurale. Le film, coécrit par Lozano Alvarez et Fernando del Razo, vient de faire sa première dans la section Panorama du 74e Festival de Berlin.

José (Jesús María Mina), un vieil Afro-Colombient vivant sur la côte Pacifique, reçoit la visite du fantôme de son fils, Pium Pium (Julián Ramirez), violemment assassiné par une faction armée. Averti par son fils qu’il va bientôt mourir lui aussi, José part pour la jungle, pour y trouver un endroit tranquille qui sera celui de son dernier repos, mais un groupe paramilitaire lui enjoint de ne pas essayer de nouveau de pénétrer la jungle. José continue donc de déambuler et d’interagir avec les locaux, et les secrets de la ville se révèlent.

Notre personnage, dont Mina donne une interprétation discrète mais tendre, va souvent à des veilles et des rituels à la lumière des bougies. Comme il a le don de sentir les aspects cachés du monde qui l'entoure, qu'il connaît extrêmement bien la médecine par les plantes et qu'il pratique depuis longtemps comme guérisseur, il a une place unique dans cette communauté. Lui et d’autres figures ancestrales regardent droit dans la caméra et au-delà, comme pour s'adresser silencieusement au spectateur, lors de scènes de type religieux (mais jamais mystiques) qui unissent les vivants et ceux qui sont déjà dans l’autre monde.

Le petit village où vit José est rempli d’habitants dont les fils et filles ont été soit tués (comme Pium Pium), soit enlevés par les groupes paramilitaires qui opèrent dans les jungles colombiennes. Une tentative d'extraire de l'or (de petite échelle, probablement illégale) donne lieu à la découverte de dépouilles humaines enterrées là depuis longtemps et de traces de violence que les coupables ont pu effacer en faisant taire les civils. Hélas, le récit, sinueux, est parfois trop flou et cryptique pour qu'on saisisse bien le traitement de ses différents thèmes, et les dialogues sont trop rares pour le compléter. À partir du moment où le film détourne son attention de l’aventure fascinante de José allant au cœur de la jungle, il perd le niveau de concentration nécessaire pour bien appréhender sa vie quotidienne.

C'est sur le plan visuel que le film excelle vraiment : le chef opérateur Juan Velasquez arrive à apporter une chaleur émouvante à chaque scène bien que les couleurs aient été rendues assez froides à l'étalonnage. L'ingé son Jose Miguel Enríquez, en combinant les douces notes du marimba avec le crépitement sourd de la pluie et le pépiement des oiseaux, recompose bien la jungle autour de José. La musique avant tout vocale de Nidia Góngora, où le chant évoque avec lyrisme la mangrove, renforce encore davantage le sentiment du lien de l'homme avec la nature, peut-être encore plus que l'intrigue elle-même.

I Saw Three Black Lights a été produit par la société colombienne Contravía Films en coproduction avec Malacosa Cine (Mexique), Dublin Films (France), Autentika Films (Allemagne) et Bárbara Films (Colombie). Les ventes internationales du film sont gérées par la société allemande Arthood Entertainment.

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(Traduit de l'anglais)

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