email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

BERLINALE 2024 Panorama

Critique : My Stolen Planet

par 

- BERLINALE 2024: Résister est une chose personnelle et politique dans le documentaire de Farahnaz Sharifi, qui emploie des images d’archives pour examiner la vie en Iran de la révolution à nos jours

Critique : My Stolen Planet

"J’achète les souvenirs des gens", dit la narratrice de My Stolen Planet [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]
, dont la voix off nous guide à travers une exploration qui est autant celle de la politique de la documentation et de la mémoire que celle de la vie sous l’oppression politique. Les deux sont inévitablement liées, ce qui devient un des thèmes centraux du film. La voix est celle de la scénariste, réalisatrice et monteuse Farahnaz Sharifi. Ce qu’elle appelle son obsession de filmer et documenter l'amène à fréquemment acheter de vieilles bobines de films (en particulier du Super8) à d’autres gens.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Ce nouveau travail, qui est le premier long-métrage documentaire de la cinéaste iranienne, a fait sa première mondiale dans la section Panorama du 74e Festival de Berlin. Sharifi combine ici du matériel d’archives avec un texte en voix off ouvertement politique. Elle puise notamment dans ses archives vidéos personnelles, qui montrent sa propre vie, filmée au fil des ans, et utilise aussi des photos et vidéos d’autres Iraniens ainsi que des images plus générales sur les mouvements de protestation et la résistance des Iraniens. Sharifi, née en 1979, a vécu son enfance au lendemain de la révolution iranienne, ce qui a conditionné son enfance en tant que petite fille aux droits et aux libertés limités, une situation dont la manifestation par excellence est l'obligation de porter le hijab. La réalisatrice décrit le schisme qui s'est créé entre le monde libérateur de son foyer et les restrictions du monde extérieur : deux "planètes", la deuxième étant régie par l’ordre socio-juridique établi par le nouveau régime.

Sharifi n'hésite pas à montrer les choses : elle a intégré au film des vidéos d'Iraniens qui se font tuer, entre autres clips émotionnellement chargés. Et quand les extraits sont apparemment plus banals, du fait de sa narration, chaque image devient signifiante, politique, en tant qu'elle se fait l'expression d'un état de lieu ou d'une révolte contre les restrictions politiques couvrant jusqu'au moindre détail. Le design sonore d'ambiance de Daniel Wulf et la musique, dominée par le piano, d’Atena Eshtiaghi, complètent le fond émotionnel du film, bien que ce soit le récit qui guide les intentions affectives du film.

À l’intérieur de la "planète privée" de Sharifi, qui s’étend aussi à d’autres espaces où les femmes iraniennes sont libres d’être elles-mêmes, l’ordinaire devient beau. Des moments intimes éphémères sont saisis sur la pellicule qui montrent l'autre facette de la résistance, plus tranquille ("notre vie quotidienne, qui est un crime à leurs yeux", dit la narratrice) que les actes de protestation virulents accomplis dans la rue. Le monde du dehors est en effet toujours documenté : on vous colle sans arrêt des téléphones portables en pleine face, comme des yeux numériques qui vous voient tout le temps. À travers la voix off, la réalisatrice interroge sa compulsion de tout filmer, mais "filmer ou ne pas filmer" n’est jamais la question (les choses ne sont jamais toutes noires ou toutes blanches). Le film témoigne de la tragédie et de l'injustice, et documenter cela est toujours vital.

Il ne fait aucun doute que s'acquitter de la gageure de monter l'ensemble pour en faire un tout cohérent est louable, et que les thèmes évoqués sont on ne peut plus actuels, mais My Stolen Planet fait aussi l'effet d'un exercice qu'on a déjà vu avant. Cette mosaïque d'éléments personnels et politiques finit par se déployer de manière assez conventionnelle. Quelques prises de risques audiovisuelles et davantage d'expérimentations auraient donné plus de force aux thèses solides qui sont développées sur les 82 minutes seulement que dure le film.

My Stolen Planet a été produit par les sociétés allemandes JYOTI Film et PakFilm. Les ventes internationales du film seront assurées par l'agence parisienne CAT&Docs.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

(Traduit de l'anglais)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy