07/03/2024 - Dans son nouveau film, le Russe Yuri Bykov est ouvertement critique sur le système dans son ensemble

Ces dix dernières années, Yury Bykov s’est positionné comme une sorte d’homme de tous les talents du cinéma indépendant russe. En plus d’avoir écrit et réalisé un certain nombre de films à budget modeste, mâtinés de genre, avec une forte charge sociale, il a aussi souvent joué, monté et composé la musique de ces films.

Son dernier travail en date, The Owner, qui était en production depuis 2020, a enfin fait sa première à l’édition de l'année dernière du Festival international de Genève. Plus récemment, il a décroché le premier prix du Festival international du film de Belgrade dit FEST, marquant la deuxième fois que le cinéaste a remporté le Victor dans la capitale serbe, après le succès de The Fool [+lire aussi :
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interview : Yury Bykov
fiche film] en 2015.

Bykov choisit de nouveau ici pour personnage central un homme ordinaire qui se retrouve impliqué dans des histoires de corruption dans les provinces russes, aujourd'hui. Cette fois, notre homme est Ivan / Vanya Menshov (Artyom Bystrov, la star de The Fool), un modeste mécanicien menant une vie simple avec sa femme (Klavdiya Korshunova) et leurs deux enfants dans une ville de province enneigée. Cette vie est sur le point de changer du tout au tout quand ils sont témoins d’un accident de voiture affreux et que Vanya réagit promptement et courageusement, extirpant l’homme impliqué de sa voiture en feu.

Cet homme n'est pas un citoyen ordinaire : il s’agit de Dmitri / Dima Rodin (Oleg Fomin), l’agent du FSB (Service fédéral de sécurité) le plus puissant du coin et, comme on va l’apprendre ensuite, celui qui décide des affaires, de la vie et de la mort dans la région. Ils se mettent à passer de plus en plus de temps ensemble, ce qui va d’abord s’avérer profitable pour Vanya, qui progresse rapidement dans les rangs des affaires de son nouvel ami, concessionnaire de voitures de luxe. Cependant, le pouvoir de Dima comme sa gratitude ont leurs limites, de même que la tolérance de Vanya par rapport aux manières véreuses et vengeresses de Dima…

Bykov livre de nouveau ici un thriller politique sans fioritures mais puissant, porté par les interprétations très incarnées de ses acteurs, qui élèvent leurs personnages archétypiques sur un plan bien plus proche de la vraie vie. Le style visuel employé pour dépeindre le contraste entre les lieux urbains décrépits remontant à l'ère soviétique et les avantages de la vie de nouveau riche, avec des images filmées caméra à l’épaule qui tendent à devenir très secouées pendant les séquences d’action, est très adapté. La même chose vaut pour le montage dynamique d’Anna Krutiy, grâce auquel les deux heures que dure le film semblent beaucoup plus courtes. Même l’écriture de Bykov s’est améliorée ses films précédents, et sa tendance à sermonner par la bouche de ses personnages est limitée au strict minimum.

Il semble par ailleurs que Bykov soit plus critique du système dans son ensemble, car The Owner vise plus haut que les officiers de police corrompus (The Major), les autorités locales (The Fool) ou les magnats qui privatisent les usines (The Factory [+lire aussi :
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fiche film]). Le métier de Dima pourrait bien être un indice clair du personnage réel qu'il représente, et le motif récurrent des manifestations écologistes dispersées selon ses ordres peut indiquer ce que Bykov représente.

The Owner est une coproduction entre la Russie, la France et la Suisse qui a réuni les sociétés Hype Film (Russie), Charades (France) et Bord Cadre Films (Suisse). Les ventes internationales du film sont gérées par Charades.

(Traduit de l'anglais)