Critique : The Black Sea
par Olivia Popp
- Crystal Moselle et Derrick B. Harden livre une histoire de poisson hors de l'eau touchante et optimiste où on trouve sa communauté là où on l'attend le moins

Qu’est-ce qu’un homme afro-américain de Brooklyn est censé faire lorsqu’il se retrouve coincé dans une petite ville bulgare, sans argent ni passeport ? Ouvrant sur une proposition modestement absurdiste impliquant une diseuse de bonne aventure informant son client qu’elle sera guérie par le contact d’un homme noir, The Black Sea by Crystal Moselle et Derrick B Harden raconte une histoire charmante de poisson hors de l’eau et vient d’avoir sa première dans la compétition Narrative Feature de SXSW. Ne pouvant être qualifié de film purement atmosphérique, The Black Sea dérive parfois tout en simplifiant à l'extrême les dynamiques entre personnages dans une histoire autrement charnue. Partiellement inspiré par les expériences de Harden en Bulgarie, le film délivre avec tendresse sur sa promesse d’une famille trouvée dans l’endroit le plus inattendu, le tout avec des traits comiques.
Khalid (Derrick B Harden dans son premier rôle d’acteur) s’envole pour la Bulgarie pour ce qui pourrait facilement être une arnaque honeypot, ou au pot de miel en Français correct : une femme âgée qui l’a trouvé sur Facebook lui promet de le payer des milliers de dollars en échange d’un peu de “temps adulte”, supposément dans l’espoir d’être “guérie” d’une maladie inconnue. À son arrivée, Khalid apprend que la femme est décédée et se retrouve forcé de commencer à travailler dans les docks, sous le patron exploiteur Georgi (Stoyo Mirkov) après que ses affaires aient été volées. Par chance, il rencontre son égale dans la personne d’Ina (Irmena Chichikova), une femme locale gérant une agence de voyage qui rivalise avec lui en termes d'esprit et d'éthique de travail. Ensemble, ils ouvrent un café qui devient de plus en plus populaire (les versions américaines de collations bulgares et les soirées open mic de hip-hop captivent les locaux), et l'amitié de ce duo peu probable fleurit malgré leurs histoires et milieux disparates.
Khalid déborde de charisme pur : les adolescents du quartier l’admirent et les femmes âgées soupirent. Dans l’ensemble, tous les habitants du village sont accueillants, même si Moselle et Harden reconnaissent les instances de racisme occasionnel qui imprègnent la visite de Khalid - tout n’est pas rose. Bien que les hauts nombreux de Khalid ne semblent pas contrebalancer ses bats de façon réaliste, le ton optimiste du film est son ciment, son amitié centrale étant assez attachante pour qu’on en soit jaloux. Cependant, le film manque parfois de tension, en particulier vers le milieu lorsque l’antagonisme se joue de manière simpliste dans un triangle entre Khalid, Ina, et un Georgi vindicatif - dont nous apprenons qu’il est l’ex-petit-ami d’Ina. The Black Sea suggère aussi quelque chose de plus entre les deux personnages centraux, sans jamais pour autant entrer dans le cliché.
Le directeur de la photographie Jackson Hunt s’appuie énormément sur la caméra à l'épaule pour suivre le protagoniste, dont le périple est tout aussi agité que le cadre. Les racines documentaristes de Moselle (son film de 2015 The Wolfpack avait remporté le grand prix du jury du meilleur film documentaire américain à Sundance) sont peut-être plus visibles ici, lorsque les spectateurs se font vite une forte idée de cette communauté à travers les gens que Khalid rencontre dans sa vie de tous les jours. Une composition sonore qui détourne les genres par Charles Moselle complimente davantage la précarité de notre héro - mais aussi, au final, la joie qu’il trouve dans chaque rencontre inattendue.
The Black Sea a été produit par Kotva Films (États-Unis/Bulgarie) et Give Thanks Films (États-Unis). UTA (États-Unis) assure les ventes internationales.
(Traduit de l'anglais)
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