email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

CANNES 2023 Compétition

Critique : Les Filles d’Olfa

par 

- CANNES 2023 : Kaouther Ben Hania éclaire la place complexe de la femme en Tunisie à travers une histoire de famille et une hybridation inédite à la frontière du documentaire et de la fiction

Critique : Les Filles d’Olfa

"Tu vas devoir ressentir tout ce que j’ai éprouvé, la douleur de la séparation, l’angoisse de la disparition." La cinéaste tunisienne Kaouther Ben Hania aime s’inspirer fortement du réel pour façonner de la fiction dénonçant les travers du monde contemporain comme elle l’a démontré avec force notamment avec La Belle et la meute [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Kaouther Ben Hania
fiche film
]
et L’homme qui a vendu sa peau [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Kaouther Ben Hania
fiche film
]
, mais elle a également une âme de chercheuse en matière d’expérience cinématographique. Avec Les Filles d’Olfa [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Kaouther Ben Hania
fiche film
]
, présenté en compétition au 76e Festival de Cannes, la réalisatrice a poussé encore plus loin son désir artistique d’effacer les frontières entre les genres et sa volonté d’être la plus réaliste possible en mettant en place un dispositif orchestrant totalement la rencontre entre documentaire et fiction, convoquant des actrices pour incarner des absentes (et pour la reconstitution des épisodes les plus durs) et les mêlant aux autres vraies protagonistes du récit, le tout dans une mise en scène dévoilant ouvertement l’artifice mais qui paradoxalement fait naître encore davantage de vérité.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Passage au maquillage, clap, essayages : le film ne cache jamais sa nature "théâtrale", mais au contraire la stimule, laissant s’échanger la parole entre Olfa Hamrouni et ses deux filles vivant encore à ses côtés (Tayssir et Eya Chikhaoui) et les actrices (Ichraq Matar et Nour Karoui) incarnant les filles aînés Ghofrane et Rhama (qui ont été "dévorées par le loup" comme leur mère l’annonce au début du film), sans oublier Hend Sabri qui se substitue à Olfa si nécessaire. Le plateau et les coulisses se confondent, le scénario et les discussions en apparence spontanées s’entremêlent, on demande à couper les prises, on pleure, on rit, on interpelle la cinéaste, puis on reprend. Bien malin qui pourrait deviner l’authentique du fabriqué au fil d’un récit centré la sur l’intime de la chronique familiale et entrecoupé par quelques archives télévisuelles retraçant l’histoire récente de la Tunisie (la chute de Ben Ali, la révolution) et discutées par les six protagonistes.

Au cœur de ce procédé règne Olfa qui raconte sa vie, témoignant face caméra de son existence antérieure avec sa propre mère, de son mariage et de la lutte très physique pour qu’il ne soit pas consommé, puis de la naissance de ses filles (quatre échographies en split screen), de sa liberté retrouvée dans l’ambiance de la révolution du jasmin en 2011 avec une fuite à Sousse précédant un divorce, et de son coup de foudre pour un criminel devenant le tendre mais en réalité horrifique second père des filles. Un parcours de femme empreint de reproduction générationnelle de la violence et moteur d’un endurcissement profond d’Olfa à l’encontre des hommes qui méritent largement tout le mal que l’on entend d’eux durant le film. Pendant ce temps, les quatre filles grandissent et trinquent en dépit de l’amour absolue mais ultra possessif et traditionnel que leur porte leur mère. Et quand les aînées tentent de s’émanciper, elles tombent dans des mains radicales…

Fondé sur l’interaction et une véritable hybridation, Les Filles d’Olfa est une œuvre très étonnante, une mise à nu sur le fil de beaucoup de souffrances et d’une libération salutaire par la parole d’un schéma d’oppression sociétal des femmes profondément enraciné dont les portes de sorties se révèlent parfois des impasses encore plus terribles, mais où l’espoir et l’énergie font preuve d’une impressionnante capacité de résilience, par delà les coups assenés par la vie. Un film qui est aussi le miroir des remous de l’amour maternel et filial à qui Kaouther Ben Hania rend le plus beau des hommages en filmant au plus près des visages et des émotions, dans la confidence et la complicité entre femmes.

Produit par les Français de Tanit Films, les Tunisiens de Cinétéléfilms et les Allemands de Twenty Twenty Vision et coproduit par ZDF/Arte, Les Filles d’Olfa est vendu à l’international par The Party Film Sales.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy