email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

THESSALONIQUE DOCUMENTAIRES 2024

Critique : Stray Bodies

par 

- Elina Psykou se lance dans des pèlerinages traumatisants aux quatre coins de l'Europe, aux côtés de quatre femmes qui parcourent les sentiers ronceux du "tourisme médical"

Critique : Stray Bodies

Un film qui interroge des notions au lieu de fournir des réponses toutes faites est toujours précieux, mais dans le documentaire Stray Bodies [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Elina Psykou
fiche film
]
, qui fait réfléchir, Elina Psykou va encore un peu plus loin en engageant à un débat approfondi entre deux positions diamétralement opposées à travers différentes questions : des lois sur l'avortement devraient-elles être imposées à Malte ? La fécondation in vitro devrait-elle être permise pour les femmes célibataires en Italie ? L'euthanasie peut-elle être considérée comme un droit humain universel ? Des adversaires farouches s'affrontent indirectement dans des termes religieux, scientifiques ou simplement humanistes, via l'utilisation d'un montage qui nous promène dans des décors assez surréalistes : hôpitaux, aéroports, églises et espaces privés, intimes.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Ce n'est pas par hasard que l'affiche de Stray Bodies, où apparaît une femme crucifiée, a déclenché des émeutes à l'emblématique cinéma Olympion du Festival du documentaire de Thessalonique, où le film vient de faire sa première mondiale en compétition internationale. On parle ici de sujets sur lesquels il est probable qu'on n'arrivera jamais à un consensus.

Quatre femmes européennes empruntent le chemin semé d'embûches de ce qu'on appelle le "tourisme médical" pour essayer de conquérir de cette manière une autonomie corporelle, et la réalisation de leurs désirs les plus chers. La jeune Maltaise Robin veut mettre fin à une grossesse non désirée résultant d'une aventure d'un soir. Katarina et Gaia, deux Italiennes célibataires, s'engagent sur la voie de la PMA pour exaucer leur désir de devenir mères, ce qui les oblige à aller en Grèce, compte tenu des restrictions légales existant dans leur pays. Une Grecque ayant vu combien les derniers jours de la vie de sa mère ont été affreux se tourne     quant à elle vers les options offertes en Suisse en matière d'euthanasie, pour soulager son traumatisme et trouver un réconfort dans l'idée qu'elle pourrait choisir une mort sereine le moment venu. Tandis que ces femmes partagent leurs réflexions et expériences, on entend aussi différents experts exprimer leur point de vue, ne laissant aucun élément passer entre les mailles du filet. Ce récit sert de rappel du fait que l'avortement, malgré son élément libérateur, est toujours un choix difficile pour les femmes, et que certains docteurs peuvent être ambivalents voire personnellement horrifiés à la perspective d'effectuer ce genre de procédure. La fécondation in vitro, quoiqu'elle puisse sembler inoffensive, peut nécessiter l'application de principes eugénistes au moment de sélectionner les "meilleurs" embryons. De même, si l'euthanasie peut mettre fin à la souffrance de la personne concernée, la démarche, pragmatique, peut être perçue comme sans âme – ce point n'est pas explicitement discuté dans le film, mais il transparaît, comme un sentiment qui s'insinue entre les lignes.

Vivre en démocratie signifie faire de la place à toutes sortes d'opinions sur ces sujets, qu'elles semblent "justes" ou "condamnables", et Psykou, en bonne descendante de la culture qui a inventé le concept de démocratie qui prévaut désormais en Europe, le défend fièrement. À cet égard, Stray Bodies est tout sauf un film d'activiste, puisqu'il intègre des déclarations polémiques de gauche comme de droite, tout en faisant naître d'autres réflexions dans l'esprit du spectateur, en le laissant se faire son idée. De plus, bien que le film semble suggérer que toutes ces procédures médicales spéciales devraient constituer un droit humain universel, l'auteure ne se voile pas la face quant au fait que ces interventions contraires aux lois de la nature sont extrêmement monétisées, et que des intérêts commerciaux très significatifs sont en jeu. Et si le droit de chacun de faire ses propres choix quant à son corps est irréfutable dans la société majoritairement séculière d'aujourd'hui, avoir le luxe d'exercer ce droit coûte cher.

Stray Bodies a été produit par Jungle Films (Grèce), Contrast Film (Suisse), Doclab (Italie) et Red Carpet (Bulgarie), en coproduction avec Anemon, Frenel, Long Run Productions, ΕRΤ et RSI - Radiotelevisione Svizzera. Les ventes internationales du film sont gérées par Cinephil.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

(Traduit de l'anglais)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy