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Critique : Pierre Feuille Pistolet

par 

- Maciek Hamela transforme son expérience du transport de réfugiés ukrainiens cherchant à se mettre à l'abri en une combinaison de documentaire d'observation et de film interventionniste

Critique : Pierre Feuille Pistolet

Le réalisateur polonais Maciek Hamela a fait ses études à la Sorbonne et contribue depuis longtemps aux programmes de la BBC. Il a produit dix films, mais ne s'est décidé à réaliser son premier long-métrage documentaire, Pierre Feuille Pistolet [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]
(In the Rearview), que quand la Russie a envahi l’Ukraine. Au troisième jour de la guerre, Hamela, qui parle couramment russe et ukrainien, a acheté un van et s’est dirigé là-bas pour aider les réfugiés à gagner la Pologne. Le film a fait sa première mondiale à Cannes et vient de faire sa première nord-américaine à Toronto.

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En termes de production, c’est un film simple : Hamela conduit et un des quatre chefs opérateurs inscrits au générique du film (Yura Dunay, Wawrzyniec Skoczylas, Marcin Sierakowski et Piotr Grawender) le filme ainsi que les passagers qu'il transporte à l'arrière, principalement des familles. Toutes les dix minutes environ, on change de groupe de passagers. De ces segments, il n'est rien qu'on apprenne sur la guerre qu'on ne savait déjà, mais c'est quelque chose de bien plus précieux qu'on voit : de vraies interactions humaines.

Le coeur du film n'est pas les témoignages terrifiants qu'on y entend, même s’ils sont très présents et souvent dévastateurs : c’est plutôt le sentiment de sécurité que retrouvent ces gens sachant qu'ils vont bientôt quitter leur pays déchiré par la guerre, ce qui a tendance à les détendre, et là on voit des gens ordinaires avec des problèmes ordinaires, des joies et des peines. Ces passagers comprennent aussi deux chats particulièrement bien élevés.

Une vieille dame parle de la vache qu’ils ont dû laisser derrière eux, avec tous leurs biens, et ça lui fait monter les larmes aux yeux, comme si elle ne mesurait qu'à ce moment-là l’étendue de ce qu'ils ont perdus. Une mère porteuse enceinte de l’enfant d'un homme de l’Ouest fait cela parce qu'elle cherche à réunir assez d’argent pour ouvrir une pâtisserie : c'est le rêve de toute une vie de cette intelligente jeune femme. Tandis qu'une autre femme fait entrer son mari et sa fille dans le van, elle demande à son mari où est la clef du secrétaire. La petite a cessé de parler depuis que leur maison a été bombardée, mais une autre petite fille qui fait aussi partie du voyage en voiture lui remonte le moral avec un livre pour enfants, et d'un coup elle sourit et hurle comme un loup. Une autre fillette, très vivace, fait observer que les bâtiments d'une ville sont beaux parce qu’ils n’ont "pas été bombardés du tout". Une Congolaise qui étudie à Kiev depuis dix ans a été touchée par une balle, possiblement tirée par des Ukrainiens qui se sont méfiés en voyant trois personnes noires et un conducteur azéri. Hamela doit changer son cathéter régulièrement jusqu’à ce qu’ils arrivent à l’hôpital en Pologne.

De temps en temps, la caméra jette un œil sur le pays détruit en dehors de la voiture, et les dangers sont nombreux. Il y a des mines sur la route, un pont écroulé, des checkpoints russes sur lesquels on informe Hamela au téléphone... L'ensemble est presque aussi riche en suspense qu'un film de poursuite en voiture, sauf qu’il n’y a personne qui poursuit littéralement Hamela et ses passagers et qu’ils peuvent rarement aller très vite.

Il y a des documentaires d’observation et il y a des documentaires interventionnistes : le réalisateur est parvenu à fusionner les deux pour composer un film qui est non seulement palpitant, émouvant et cohérent, mais également fort en termes d'atmosphère et lourd de sens. À vrai dire, l'intervention de Hamela ne tient pas vraiment au fait qu'il modifie le parcours des personnes qu'on voit ici par ses actes ; son activisme a surtout pour effet de leur permettre d'être de nouveau eux-mêmes. Même si être un réfugié est une expérience humiliante, avec lui, ces gens retrouvent en partie leur dignité et c'est évident sur leurs visages, même si certains fondent en larmes. Un montage magnifique avec une alternance rapide entre les groupes de passagers, accompagné par la musique glaçante d’Antoni Komasa-Łazarkiewicz, vient sublimer tous ces éléments avant l'acte final du film.

Pierre Feuille Pistolet a été coproduit par Affinity Cine et Impakt Film en Pologne avec SaNoSi Productions (France) et 435 Films (Ukraine). Les ventes internationales du film sont assurées par Cinephil.

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(Traduit de l'anglais)

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