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TRIBECA 2024

Critique : La Récréation de juillet

par 

- Pablo Cotten et Joseph Rozé signent un premier long astucieux, attachant et plein de charme poétique sur une bande d’anciens amis de collège réunis par un deuil

Critique : La Récréation de juillet
Andranic Manet, Carla Audebaud, Alassane Diong, Nina Zem, Arcadi Radeff et Alba-Gaïa Bellugi dans La Récréation de juillet

"Il suffit d’un peu d’imagination". Quand on débute dans le long métrage, les contraintes, notamment économiques, ne manquent pas et il faut trouver le moyen de se distinguer à moindre frais, d’exprimer un style prometteur. Un pari gagné par le duo français Pablo Cotten - Joseph Rozé avec La Récréation de juillet [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]
, un film habile et attrayant dévoilé en compétition internationale au Festival de Tribeca.

"Comme un grand château abandonné." C’est dans un collège parisien où il exerce en tant que professeur de musique que Gaspard (Andranic Manet) a convoqué ses anciens camarades de classe Adel (Alassane Diong), Esther (Carla Audebaud), Lou (Alba-Gaïa Bellugi), Anthony (Arcadi Radeff) et Alma (Nina Zem) pour honorer à sa demande la mémoire de sa sœur jumelle Louise (et l’amie d’enfance des cinq autres), morte un mois auparavant dans un accident à Buenos Aires.

Mais pour accéder à ce rendez-vous avec leurs souvenirs communs, on n’entre pas par la porte, mais à la dérobée, en enjambant le mur d’enceinte à l’aide d’une échelle. Car nous sommes le 9 juillet et le collège vient de fermer pour l’été. Ce sont donc six passagers clandestins qui prennent possession des lieux afin de passer quelques jours ensemble sur place pour y célébrer le 14 juillet le 25e anniversaire de la disparue et de son jumeau. "Ils sont venus. C’est pas une preuve d’amour, ça ? Les liens du collège. Reprendre comme c’était" s’enthousiasme Gaspard dont la douleur du deuil est cependant beaucoup plus profonde qu’il n’y paraît au point d’avoir menti aux "invités" de Louise…

Se développant sur le principe de l’unité de temps (un peu accéléré), d’action et de lieu, La Récréation de juillet opère un retour à l’enfance à la fois ludique et mélancolique. De la cour de récréation avec ses paniers de basket et sa table de ping-pong, au réfectoire et aux classes (où chacun se souvient précisément de sa place d’antan) qui font office de dortoirs improvisés, en passant par les batailles d’eau dans les couloirs (avec extincteurs en prime), les barbecues, les parties de handball, les improvisations musicales et dansantes, ce sont cinq journées hors du temps, de "quatre cents coups" à l’intérieur du collège, qui s’orchestrent. Mais si l’unité se retisse (non sans micro-règlements de comptes et moqueries), chacun avait aussi une relation particulière avec Louise et le parfum du deuil, de la culpabilité, de l’éloignement passé, affleure constamment, sans oublier le présent hors des murs puisque tous ont une nouvelle vie en gestation (apprentie comédienne au théâtre pour Esther, interne en médecine pour Alma, une carrière musicale pour Adel, etc.). La rencontre se révèle donc également une sorte de carrefour où, du sous-sol au toit du collège, des peurs aux espérances, les vérités émergeront.

En donnant un aspect chatoyant et faussement naïf à leur récit, Pablo Cotten et Joseph Rozé dessinent, au son de Relax, Take It Easy de Mika (qui a donné gratuitement les droits de son morceau), un très attachant portait générationnel qui est aussi celui d’une petite troupe d’interprètes très rafraichissants. Sous sa simplicité facétieuse, libertaire et limpide (dont le point de départ évoque un peu Le péril jeune de Cédric Klapisch), La Récréation de juillet n’en est pas moins finement travaillé (voix off de Louise par Noée Abita, danses désarticulées très expressives d’Andranic Manet, musique signée Kids Return et belle image 16mm de Tara-Jay Bangalter) et propose une variation sensible et poétique sur l’éternelle et difficile question d’affronter l’avenir en chassant les fantômes du passé.

La Récréation de juillet a été produit par Cowboys Films (qui pilote aussi les ventes internationales). Le film sera lancé dans les salles françaises le 3 juillet par Wayna Pitch.

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