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TRIBECA 2024

Critique : Kneecap

par 

- Dans son premier long-métrage, Rich Peppiatt propose une relecture contagieuse de l'ascension à la gloire du groupe de rap irlandais du titre

Critique : Kneecap
de gauche à droite: Liam Óg Ó Hannaidh, J.J. Ó Dochartaigh et Naoise Ó Cairealláin dans Kneecap

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, qui est un peu l'équivalent filmique d'une chanson d'insulte bien grossière, suggère que la meilleure stratégie pour honorer un patrimoine culturel est potentiellement la plus immorale ou antisociale. Ce premier long-métrage par Rich Peppiatt rappelle 8 Mile, réalisé au moment où Eminem était au sommet de sa carrière, en ce qu'il choisit de réunir des stars pour jouer leur propre rôle dans leur propre biopic fictionnalisé, mais ressemble davantage à Trainspotting par son exécution énergique. Le film raconte l'ascension fulgurante du groupe de rap du titre et reprend dans la plupart de ses dialogues le langage (en irlandais) utilisé par lui. Le film a fait sa première à Sundance, générant un bouche-à-oreille conséquent, et le voilà cette semaine au programme à Tribeca.

Peppiatt trouve ici, et c'est tout à son honneur, un bon équilibre entre des références familières qui plairont à ceux qui connaissent le milieu (lui-même, ancien journaliste pour la presse à scandale britannique, est de famille irlandaise, mais il a grandi au Royaume-Uni), tout en incluant aussi le spectateur moins au fait de la culture nord-irlandaise post-Troubles. La musique de Kneecap fait tout de même plus l'effet d'une nouveauté assez improbable ("Quoi ? Un groupe qui rappe en gaélique !") qu'une sous-culture à laquelle on pourrait s'identifier et qui pourrait influer sur les comportements ou sur d'autres mouvements musicaux. L'ascension du groupe fondé par Naoise Ó Cairealláin et Liam Óg Ó Hannaidh survient quand ils s'associent à JJ Ó Dochartaigh, un prof de musique du coin. Naoise est arrêté et refuse de répondre dans une autre langue que l'irlandais à son interrogatoire. C'est là qu'arrive JJ, qui travaille aussi comme interprète. Pendant l'entretien, ce dernier voit le carnet de Naoise, couvert de rimes et de bouts de chansons. Plus tard, en dehors des locaux de la police, il va le retrouver. Le reste est entré dans l'histoire, sur des rythmes furieux.

Deux éléments secondaires frémissent en arrière-plan. D'abord, une campagne publique est en cours pour faire reconnaître l'irlandais comme une des langues officielles du Royaume-Uni bien que très peu de gens le parlent vraiment (dans le scénario, cette sous-intrigue est représentée par la femme de JJ, Caitlin, jouée par Fionnuala Flaherty). Ensuite, bien que le conflit se soit calmé, certains soldats républicains (représentés par le père que Naoise ne voit plus, Arlo, incarné par nul autre que Michael Fassbender) sont encore actifs, de même que les gangs criminels qui recourent régulièrement à la pratique consistant à tirer une balle dans le genou auquel le groupe de rap a emprunté son nom plutôt punk.

Ce qui convainc dans ce film, au-delà de son aura d'importance culturelle (qui a sûrement contribué à séduire ses financeurs publics britanniques et irlandais), c'est le fait qu'il n'a pas froid aux yeux et rend sans rien censurer l'attitude provocante de Kneecap, tout en reliant l'histoire du groupe au hip-hop au niveau mondial en ce qu'il existe toujours dans les insterstices entre plusieurs zones sensibles de la société. Les paroles de leurs chansons célèbrent la vie de gangster à Belfast et les drogues – le deal, la consommation, les guerres de gangs, la violence –, en somme tout ce que les forces conservatrices ont en horreur, sauf qu'elles offrent aussi une représentation de la langue irlandaise qui peut mobiliser les jeunes dans le sens de ceux qui la défendent ainsi que l'héritage nationaliste sur la place publique. Si l'irlandais a plus de vitalité et d'impact sur des rythmes de trap qu'exprimé par des paroles folkloriques accompagnées de violons, eh bien c'est sa chance de perdurer, plaide fièrement le film de Peppiatt.

Kneecap est une coproduction entre le Royaume-Uni et l'Irlande qui a réuni les efforts de Fine Point Films, Mother Tongues Films et Wildcard Distribution. Les ventes internationales du film sont gérées par Charades.

(Traduit de l'anglais)

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