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BRIFF 2024

Critique : D’Abdul à Leïla

par 

- Leïla Albayaty livre avec cet inclassable documentaire chanté et dessiné un récit de soi musical, une quête familiale sur les traces de sa propre histoire

Critique : D’Abdul à Leïla

Après Berlin Telegram et le moyen-métrage Face B, présenté au Forum Expanded de Berlin, Leïla Albayaty revient avec un nouveau film qui défie les définitions. Projeté en Compétition Nationale à l’occasion de ce 7e Brussels International Film Festival, D’Abdul à Leïla [+lire aussi :
interview : Leila Albayaty
fiche film
]
enchaîne les prix et les festivals (présenté au Festival du Film d’El Gouna, où il a reçu le prix du Meilleur film asiatique, et au Festival de Documentaires de Thessalonique, avant de gagner le Grand Prix au Festival du Cinéma Méditerranéen de Tetouan et le Prix du Meilleur documentaire au Festival d’Aarhus et au Festival du Film Arabe de Rotterdam).

"J’ai toujours préféré chanter que parler". Fille d’un père irakien et d’une mère française, Leila est comme coupée en deux, travaillée par des origines derrière lesquelles elle court depuis vingt ans. Il lui manque le sésame qui ouvre les portes, qui va s’incarner peu à peu dans la langue et le chant. Tout au long de ce film chanté et dessiné, elle tente de démêler le vrai du faux. Le récit débute à Berlin, ville du nouveau départ, ville de l’être multiple. En se confrontant aux poèmes de son père, irakien en exil qui a fui les persécutions, elle s’immerge dans ses racines comme dans l’histoire de son pays, un pays qui finit par l’obséder, et dont les fantômes hantent ses rêves. C’est un parcours cabossé que celui de Leïla, dont on va remonter le fil, le présent flottant à l’identité diffractée laisse place aux errances d’un pays à l’autre, à l’accident qui la cloue un an durant sur un lit d’hôpital, au séjour en Irak, 20 ans plus tôt, qui changera sa vie. Une vie détruite autant qu’une renaissance. On comprend peu à peu que le film est comme le journal d’une guérison, la mise en mots et en images d’un stress post-traumatique qui a brouillé les frontières de la personnalité, poussant la cinéaste à se construire un personnage qui endosse sa vie et ses habits.

Dans la maison familiale du Sud de la France, c’est à un véritable voyage dans le temps que se livrent Leïla, son père, sa mère aussi, sur les traces des souvenirs enfouis, des blessures mal cicatrisées. Pour comprendre ces flux existentiels qui irriguent le film, la poésie s’impose comme l’outil le plus précieux. La poésie, et le chant. Les mots de Leïla d’abord qui la raconte, les mots de son père ensuite qui lui offrent un horizon d’attente, à la dimension programmatique. "Je suis une flamme, je suis une révolution, je suis libre", chante-t-elle en arabe. Le film adopte une forme libérée des dogmes, sorte d’improvisation maîtrisée. La rencontre avec la langue de ses origines est pour la cinéaste une exploration du passé, et un passeport pour l’avenir. Un futur émancipé, où les peurs affrontées ne sont plus un obstacle. Le chant aussi est un guide pour le spectateur, plongé dans un tourbillon d’intimité familiale, témoin de la renaissance d’une fille et d’une femme qui panse ses plaies par l’image et le chant.

D’Abdul à Leïla est produit par Dérives (Belgique) et Volte Films (Allemagne).

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