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BRIFF 2024

Critique : Yalla, Baba!

par 

- Angie Obeid présente un road trip spatio-temporel qui ouvre l’espace d’une conversation entre un père et une fille, sur les traces des fantômes de l’Europe et du Moyen-Orient

Critique : Yalla, Baba!

Yalla, Baba! [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Angie Obeid
fiche film
]
, le long métrage documentaire de la réalisatrice libanaise installée à Bruxelles Angie Obeid, est présenté en Compétition Nationale dans le cadre du 7e Brussels International Film Festival. Réalisatrice, productrice et monteuse, la cinéaste s’est faite remarquée avec les films I Used to Sleep on the Rooftop (2017) et Pacific (2019). Après avoir déménagé à Bruxelles il y a quelques années lui vient une envie de film : repartir sur les traces du road-trip effectué par son père, près de 40 ans plus tôt, de Bruxelles à Beyrouth. L’occasion de re-solidifier un lien entre père et fille fragilisé par la distance, d’orchestrer une conversation intergénérationnelle facilitée par l’habitacle clos de la voiture, et de se pencher sur l’histoire contemporaine des régions traversées.

C’est donc tout à la fois une introspection familiale et une exploration géopolitique que déploie Angie Obeid dans ce road movie qui prend le temps de visiter le passé aussi bien que les territoires. Au fil des kilomètres, on en apprend plus sur l’histoire de Mansour, ancien journaliste culturel, à la carrière chahutée par la politique. Son passé, c’est aussi la guerre, ou plutôt les guerres qui se succèdent, dont le spectre toujours plane sur son pays. Père et fille échangent des souvenirs, plus ou moins lointains, souvenirs exacerbés par la géographie de leur voyage, 4000 kilomètres qui leur font traverser des frontières crées ou effacées par les conflits. Les fantômes de la guerre des Balkans, les impacts des balles sur les murs en Bosnie, les traces du siège de Sarajevo, une certaine nostalgie du communisme aussi en Bulgarie, ou encore l’infranchissable Syrie, que le duo ne peut plus traverser aujourd’hui.

Inévitablement, leur route dévie… et les entraine dans une conversation plus intime, où leurs points de vue s’entrechoquent. "Tu nous aide à évoluer", confie Mansour à sa fille, qui tient tout au long du voyage une sorte de journal intime en vidéo qu’il partage avec sa femme. “Ça me coûte beaucoup", constate Angie. Face aux questionnements existentiels, ou plus personnels, leurs visions du monde diffèrent. La religion notamment est un point d’achoppement, la vie amoureuse ou conjugale aussi. Père et fille débattent, se disputent parfois, mais toujours se retrouvent dans cet habitacle qui fait aussi office de cocon. Ce que transmet Mansour, c’est aussi un héritage, des valeurs, et un patrimoine, une appartenance à la terre, qui prendra forme une fois arrivés à destination.

Refaire un voyage 40 ans après le voyage initial, c’est faire des deuils : le deuil des gens croisés une première fois sur la route, le deuil d’une certaine vision du monde, de quelques illusions, d’une série de frontières et d’idéaux. Mais c’est aussi un retour en arrière pour aller de l’avant, défaire des noeuds, entendre les fantômes de l’histoire, et embrasser le passé.

Yalla, Baba! est produit par la société belge Savage Film.

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