01/07/2024 - Ce film superbe et bouleversant d'Ico Costa suit deux personnes comme un seul coeur qui bat, comme un éclair de lumière dans l'obscurité

Domingos Marengula et Neusia Emídio Guiamba dans Gold Songs

Gold Songs, le nouveau film d'Ico Costa, qui a gagné le Prix Max du meilleur long-métrage portugais à IndieLisboa (lire l'article) et vient de participer à la compétition internationale du FIDMarseille, a deux personnages principaux : Domingos (Domingos Marengula) et Neusia (Neusia Emídio Guiamba), deux jeunes qui vivent dans une petite ville du Mozambique. On fait leur connaissance dès le début du film, ensemble au lit à discuter de tout et de rien en s'embrassant et en se caressant doucement. Voilà deux personnes qui ne forment qu’un seul cœur battant, comme un éclair de lumière au milieu des ténèbres. Une connexion naturelle transpire de ce simple moment d'intimité, du genre qui fait que la Terre pourrait s’arrêter de tourner et le temps se suspendre. La scène établit le lien qui les pourrait les unir (encore longtemps), et pourtant, ceci n’est pas une histoire d’amour de plus.

Comme la Terre continue bel et bien de tourner, les gens doivent continuer de bouger. Gold Songs suit les mouvements de ces deux personnages tandis s'éloignent physiquement l'un de l'autre afin de bâtir une vie meilleure, pour eux et leurs familles, futures et présentes. Neusia, étudiante, reste ; Domingos, à l'inverse, part pour le nord. D’un boulot non payé à une station de lavage de voitures dans sa ville natale, on le voit partir dans une zone d’exploitation aurifère, attiré par la promesse d’un meilleur salaire (enfin d'un salaire tout court), même s’il est conscient des dangers et de l’exigence de ce travail de mineur. Tandis que ses attentes sont de plus en plus déçues, et que les difficultés et la tragédie intègrent sa réalité quotidienne, Domingos continue de bouger et se retrouve à travailler dans le transport à Maputo, sans aucune intention de revenir là où il a commencé. La quête dans laquelle on le suit suppose qu'il continue toujours d'avancer.

Cet élément qu'est le mouvement est capital dans la vie des deux personnages et dans le film. Encore et encore, la caméra adopte une position qui est celle de suivre attentivement leurs pas, en observant mais aussi en participant au chemin emprunté, en particulier celui de Domingos et des gens qui l’entourent. Et tandis qu'on marche en parlant, on découvre une série d'éléments qui transforment ce film en un tableau socio-économique méticuleux. Laisser de la place à ces moments signifie créer une plateforme pour que des questions générales de sécurité de l'emploi et de justice sociale, ou même d’amour et d'infidélité, se présentent tout naturellement dans la moindre conversation ordinaire. C’est dans ce champ du réel qu’on se connecte encore davantage avec les êtres qu’on voit (et qu'on suit) dans ce travail fictionnel. C’est aussi à travers les mouvements de caméra qu'on est touché par une des scènes les plus puissantes du film, émotionnellement. Quand un des collègues de Domingos meurt dans le puits de la mine, on a un sentiment de présence qui émane de la caméra elle-même. Quand elle est amenée en haut du puits, tout comme le corps du collègue, c'est une représentation de la tragédie même qu'on voit à travers l’objectif.

Différents types de mouvements sont à l’œuvre ici : Neusia est, certes, restée en place géographiquement, mais sa vie change quand elle tombe enceinte. Il ne pas y avoir de répit pour ceux qui ont un désir éternel de se retrouver, pour ceux qui attendent quelqu'un alors que leurs chemins s'écartent de plus en plus (même si c’est pour leur bien). La manière dont le film traite son chagrin amoureux est sincère et tendre et dans plusieurs scènes, son silence et son regard fixe sont douloureux.

À la fin, Gold Songs évolue pour devenir une pièce symphonique belle mais bouleversante, une représentation filmique de l’état du monde, et de leur monde.

Gold Songs est une coproduction entre le Portugal et la France qui a réuni les efforts de Oublaum Filmes et La Belle Affaire Productions. Les ventes internationales du film sont assurées par The Party Film Sales.

(Traduit de l'anglais)