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KARLOVY VARY 2024 Séances spéciales

Critique : The Gardener’s Year

par 

- Jiří Havelka scrute le conflit entre tradition et modernité mais ne parvient pas tout à fait à mener sa satire à bien, livrant au lieu de cela une tragicomédie répétitive à l'intrigue assez mince

Critique : The Gardener’s Year
Oldřich Kaiser dans The Gardener’s Year

Le dramaturge et réalisateur tchèque Jiří Havelka s’est fait connaître avec Owners [+lire aussi :
bande-annonce
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, une comédie dramatique de chambre sur une rencontre entre propriétaires d’appartements qui tourne au vinaigre. Il a ensuite fait Emergency Situation, sur un groupe de personnes pris au piège dans un wagon lâché sur les rails. Les deux films se penchaient sur les dynamiques de groupe dans des contextes confinés. Avec son troisième film, The Gardener’s Year, il se départ de ce dispositif : Oldřich Kaiser y incarne un propriétaire de jardinerie ronchon et désabusé en guerre contre le nouveau propriétaire du château voisin, qu’on ne voit jamais. La vie tranquille du jardinier se retrouve chamboulée quand il refuse l’offre du châtelain de racheter ses murs, ce qui met en branle une campagne de harcèlement acharnée visant à l’obliger à se soumettre.

Par rapport aux travaux précédents de Havelka, The Gardener's Year se déplace dans un contexte plus pastoral pour étudier le conflit entre tradition et modernité, et la disparité entre la vie d'un privilégié et celle d'un type ordinaire. Le réalisateur, également auteur du scénario du film, présente cet affrontement comme une bataille longue d’une année, durant laquelle le jardinier subit des injustices de plus en plus cruelles avec une résilience passive, assez stoïque. Alors que les limites sont dépassées de plus en plus salement, le jardinier cherche à obtenir justice auprès des autorités, notamment la mairesse (Alena Mihulová), impuissante, et son avocat incompétent (Petr Lněnička). Hélas pour eux, ils sont submergés par la capacité du riche propriétaire à exploiter les failles bureaucratiques et légales, ce qui lui permet de faire efficacement obstruction à tout recours en justice malgré l’agression évidente. Le titre du film se réfère aux livres de feuilletons autour du thème du jardin de Karel Čapek, que Kaiser lit en voix off, alors que son personnage reste silencieux à l’écran.

Les sujets et les motifs moraux sous-jacents au coeur de The Gardener’s Year ont déjà été explorée sous de nombreuses formes, du réalisme social à la satire. Cependant, l’approche de Havelka, caractérisée par un rythme lent et une répétitivité qui a pour corollaire une grande prévisibilité, rendent le film peu original et terne. Dans l’acte final, Havelka introduit, inexplicablement, des scènes de trouble de stress post-traumatique qui dévient du ton et du style établi, ce qui nuit à la cohérence de l’ensemble, car The Gardener’s Year ne se présente pas comme un drame psychologique. Le film n'est pas efficace non plus comme satire. Si les implications légales qui laissent le jardinier sans défense suggèrent un élément caustique, ces implications n'arrivent pas à atteindre un impact satirique plus fort. Le matériel promotionnel, qui vend un film "kafkaïen", est trompeur, car on ne retrouve pas une once de cela, ni dans le style, ni dans l’approche adoptée par cette comédie dramatique articulée autour d'une intrigue somme toute assez mince.

La force première du film se trouve dans l'interprétation non-verbale de Kaiser en jardinier assiégé poussé dans ses derniers retranchements face à un harcèlement croissant qui va de petits coups bas à des attaques frontales. Malgré cette belle prestation de la part du comédien, The Gardener's Year fait tout de même l’effet d’un faux pas dans la carrière de Havelka. Le film n'a ni l'acuité satirique, ni les dialogues spirituels, ni le sens de l'intrigue captivante et moins linéaire qu'on trouvait dans son premier long-métrage.

The Gardener’s Year a été produit par Donart Production en coproduction avec la Télévision tchèque.

(Traduit de l'anglais)

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