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KARLOVY VARY 2024 Compétition

Critique : A Sudden Glimpse to Deeper Things

par 

- Dans son nouveau film, Mark Cousins explore la vie et l'oeuvre de la peintre britannique Wilhelmina Barns-Graham, et se découvre de profondes affinités avec sa manière de regarder le monde

Critique : A Sudden Glimpse to Deeper Things

Le titre du nouveau film de Mark Cousins, A Sudden Glimpse to Deeper Things [+lire aussi :
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, pourrait aisément se référer à sa propre carrière de documentariste dont les films-essais et séries sur l’histoire du cinéma proposent de nouveaux angles surprenants et trouvent des connexions inattendues dans le champ de l'art. Après avoir exploré un territoire différent avec The March on Rome [+lire aussi :
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, Cousins tourne à présent son regard unique vers l'artiste peintre britannique du XXe siècle Wilhelmina Barns-Graham. Son nouveau documentaire vient de faire sa première mondiale en compétition à Karlovy Vary.

Cousins se sent des affinités avec cette artiste extrêmement originale à laquelle on n'a pas souvent accordé l'attention qu'elle méritait. Ils ont en commun le fait de voir le monde à travers des associations et réflexions excitantes qui restent invisibles au plus grand nombre. Barns-Graham, née à St Andrews, dans le Fife, issue de la petite bourgeoisie écossaise, était synesthète, comme l'explique en voix off sa biographe, l’historienne de l'art Lynne Green. Ceci lui a permis d’imaginer un système inventif connectant couleurs et lettres qui a informé une grande partie de son travail, généralement fondé sur une "armature" de schémas quadrillés, pour reprendre le mot de Cousins. Ainsi, par exemple, elle a peint un tableau à partir des paroles de l’Agnus Dei, différentes couleurs correspondant aux différentes lettres. Le résultat est une série de carreaux qui dialoguent les uns avec les autres. Ses carnets révèlent une artiste obsessionnellement systématique, qui utilisait les mathématiques pour trouver le bon équilibre dans ses tableaux, souvent abstraits.

En guise de premier exemple de sa capacité à relier des choses apparemment complètement séparées, Cousins cite une observation (extraite des carnets de Barns-Graham, lus en voix off par Tilda Swinton) sur la couleur des rochers, de chaussettes grises et des éléphants. Elle avait vu ces animaux dans un cirque à St Ives dans les Cornouailles, où elle est allée vivre pour s'éloigner de son père, un homme strict qui s’opposait à ce qu’elle devienne artiste. Sa ville natale comme St Ives se situent dans des baies ; la lumière y est un peu similaire. La forme de demi-lune de la baie de St Ives a été utilisée par Barns-Graham dans nombre de ses tableaux, tantôt littéralement, tantôt de manière abstraite.

Un événement clé pour Barns-Graham et sa vision artistique est survenu en 1949, lors de l’ascension d’un glacier en Suisse. Pour illustrer ce moment, une actrice (difficile de dire si c’est Swinton ou pas, du fait du cadrage et du maquillage) a été filmée dans un lieu qui est peut-être l'endroit même où l'artiste est allée, ou un autre censé le représenter. Cousins utilise un objectif fisheye pour se concentrer sur les textures, et un design sonore immersif qui permet de transmettre un autre aspect de la synesthésie : un tableau peut être entendu ? Ce segment est aussi significatif pour le film que l'ascension l'a été pour l’esthétique de l’artiste.

Plus tard, Barns-Graham a voyagé en Italie, ce qui a fortement influé sur son utilisation des couleurs, mais les textures et les formes présentées par le glacier sont restées centrale dans son travail jusqu’à sa mort en 2004. Elle utilisait souvent des miroirs, pour s’assurer que ses peintures fonctionnassent bien, quel que soit le sens dans lequel on les regardait. Cousins, fan de Fibonacci et de M.C. Escher, se rapporte ainsi à l'artiste à beaucoup de niveaux différents, et se demande s'ils ont pu se croiser, à une exposition à Édimbourg dans les années 1980.

Cousins évoque aussi la position de Barns-Graham en tant qu’artiste de sexe féminin à travers les décennies, et mélange art, sciences et nature pour permettre au spectateur de voir le monde à travers ses yeux. Sur le plan stylistique, il persévère dans son approche habituelle, fondée sur des recherches méticuleuses, un montage dynamique, occasionnellement des animations de bon goût et une musique d'instruments à cordes non-invasive quoique parfois dissonante. Elle convient parfaitement au sujet, mais on a le sentiment que ce film en particulier aurait bénéficié d’un écrémage en réduisant légèrement la durée.

A Sudden Glimpse to Deeper Things a été produit par la société britannique Bofa Productions. Les ventes internationales du film sont assurées par Reservoir Docs.

(Traduit de l'anglais)

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