Critique : Cabo Negro
- Le deuxième long-métrage d'Abdellah Taïa est un récit queer par trop subtil et insoutenablement lent dont les personnages n'ont été développés que de manière sommaire

Le cinéma contemplatif, dans ce qui se fait de mieux, est un plaisir à regarder. C’est du moins une expérience fascinante, notamment lorsque les silences parviennent à véhiculer ce que les mots ne peuvent pas, offrant ainsi différents niveaux de lecture et profitant du pouvoir du cinéma. Mais, si tel n’est pas le cas, la plupart des spectateurs éprouvent alors l’un des sentiments les plus désagréables qui soient, l’ennui. Et cet ennui, si les choses empirent, peut aller jusqu’à l’agacement. Le deuxième long-métrage d’Abdellah Taïa, Cabo Negro, présenté en avant-première à la compétition Proxima du Festival de Karlovy Vary cette année, fait le choix d’une approche contemplative, qui risque de se révéler insoutenable pour beaucoup, mais immanquablement stimulante pour tous.
L’intrigue, qui est un peu mince, suit deux jeunes d’une vingtaine d’années, Jaâfar (interprété par Youness Beyej) et Soundouss (Oumaima Barid), à leur arrivée dans l’immense villa ensoleillée d’une station balnéaire marocaine, qui a donné son nom au film. Jonathan, un riche Américain, est censé les héberger. Nos deux héros se présentent comme ses assistants de recherche, mais, très rapidement, nous découvrons que Jonathan n’est autre que l’amant de Jaâfar. Celui-ci tardant à se montrer, nos deux héros partagent leur temps entre détente et bain de soleil. Lorsque l’argent se fait rare, ils ne se contentent pas, comme on pourrait s’y attendre, de rentrer chez eux ou de trouver un moyen honnête de gagner un peu d’argent. Ils préfèrent tout simplement vendre allègrement leurs charmes à des étrangers, parmi lesquels le propriétaire homophobe de la villa, qui veut les mettre dehors. Voilà, en quelques mots, ce à quoi pourrait se résumer le film.
Toute l’"histoire" est racontée de manière très lente. La caméra capture et décortique chaque minute du quotidien, que ce soit l’heure du thé, la préparation des repas, les moments de lecture, les promenades, les nuits passées ensemble et autres activités banales et sans véritable intérêt. Si les dialogues sont rares, les silences sont excessifs et semblent le plus souvent injustifiés. Les personnages ont peut-être perdu la notion du temps, mais le réalisme avec lequel le film est tourné rappelle au public que le temps passe, avec parfois, l’impression que chaque minute dure des heures.
Au cours de la troisième et dernière partie du film, les choses semblent devenir un peu plus intéressantes, mais pas suffisamment pour influer sur l’impression générale du spectateur. Ce dernier assiste à la relation furtive de Jaâfar avec Mounir, un jeune Franco-Marocain, mais également aux confidences qu’il livre à Soundouss, mais rien de plus. Et bien entendu, quelques allusions relatives à la difficulté d’être homosexuels dans le Maroc d’aujourd’hui sont faites, que ce soit à travers le caractère odieux du propriétaire de la villa ou la perplexité des baigneurs devant deux hommes main dans la main sur la plage. Tout cela manque pourtant de consistance, que ce soit en matière d’écriture ou de développement des personnages et aboutit à un film un peu poussif, qui n’a pas grand-chose à raconter et risque vraiment de mettre la patience des spectateurs à rude épreuve.
Cabo Negro est une production française de Barney Production en collaboration avec les sociétés marocaines Mont Fleuri Production et Sihamou.
(Traduit de l'anglais)
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