Critique : L’invenzione di noi due
par Vittoria Scarpa
- Dans son deuxième long-métrage, romantique et empli de chagrin, Corrado Ceron raconte la fin d'un amour à travers un flux continu de pensées, de souvenirs et de flashbacks

Souvent, on se met à se soucier des choses quand on se rend compte qu’elles sont finies. C’est ce que fait Milo, qui initie une correspondance avec sa femme Nadia alors qu'il est désormais évident qu’elle ne l’aime plus. Milo et Nadia sont les personnages principaux du deuxième long-métrage de Corrado Ceron (après Acqua e anice [+lire aussi :
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interview : Corrado Ceron
fiche film], présenté aux Giornate degli Autori de Venise en 2022), L’invenzione di noi due, qui a fait sa première mondiale au 70e Festival du film de Taormina et arrive dans les salles italiennes le 18 juillet, distribué par Be Water Film en collaboration avec Medusa. C’est un film romantique et plein de chagrin que le réalisateur originaire de Vicenza a adapté du roman du même nom de l’écrivain et auteur de bande dessinée véronais Matteo Bussola.
C’est justement à Vérone que se passe cette histoire, celle de la fin d’un amour, en mêlant passé et présent dans un flux continu de pensées, de souvenirs et de flashbacks. La voix qui nous guide est celle de Milo (Lino Guanciale), marié à Nadia (Silvia D’Amico, que Ceron a déjà dirigée dans Acqua e anice) depuis quinze ans. Il l'aime encore, mais elle non, ou du moins c’est ce qu’il semble. Ils se sont rencontrés sur les bancs de l’école, littéralement, en se laissant des petits messages au crayon sur ledit banc, qu'ils occupaient à des heures différentes de la journée, mais ce n’est que quelques années plus tard, par hasard, qu'ils se rencontrent en personne et se reconnaissent. Leur histoire d’amour et repacourue ainsi que les moments les plus significatifs qui ont marqué leur relation : les grands projets, le désir d’avoir un enfant, la découverte par chacun de ses fragilités, les premières déceptions, leurs ambitions (lui comme architecte, elle comme écrivaine) nécessairement recalibrées. En bref, on suit le lent et inexorable passage de "l’amour chargé d'urgence à l’amour plein de patience".
Pour se réinventer et retrouver cette entente spirituelle qui les avait fait tomber amoureux l’un de l’autre, Milo fait semblant d’être un autre et commence à écrire à Nadia des mails qui donnent lieu à une correspondance nourrie, comme aux temps du lycée, quand ils s'avouaient leurs pensées les plus intimes et tout ce que dans la vie de tous les jours, ils n’arrivent plus à dire. Sauf que Milo est aussi confronté à la jalousie qui l'assaille quand il voit sa femme retrouver intérêt et désir auprès d'un autre homme, même si c’est en réalité, c'est lui… Ainsi, le jeu devient de plus en plus insidieux.
Guanciale et D’Amico Machin, tous deux formés à l’Académie nationale d’art dramatique, donc aguerris au médium théâtral, arrivent bien à transmettre les différentes nuances d'un amour qui, avec le passage du temps, est tombé en cendres. La direction de Ceron guide le spectateur à travers les hauts et les bas de ce couple, parfois en se collant littéralement aux corps de ses acteurs (à travers l’usage de la snorricam), d’autres fois en s'immergeant presque en prise directe dans les dialogues de ses personnages, filmés à travers de longs plans-séquences où l'objectif se pose alternativement sur l’un et sur l’autre. Et puis il y a les souvenirs, qui ressortent et suivent le flux des pensées ; des moments de vie vécues qui en disent plus que tant de mots et rendent plus net le contraste entre l’insouciance d’une époque et le poids des désillusions du présent.
Le film, comme le livre, est dédié "à ceux qui s'aiment et ne se souviennent pas pourquoi" et dans ce sens, il est facile de se rapporter à ce qu’il raconte. La troupe des acteurs comprend aussi Francesco Montanari (meilleur interprète masculin à Canneseries en 2018 pour son rôle dans Il cacciatore) et Paolo Rossi (vu récemment dans Gloria! [+lire aussi :
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L’invenzione di noi due a été produit par K+ avec la contribution de la Région Vénétie.
(Traduit de l'italien)
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