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LOCARNO 2024 Compétition

Critique : Green Line

par 

- La réalisatrice française Sylvie Ballyot revisite dans son premier long-métrage la période de la guerre civile au Liban, à travers les yeux d'une fillette

Critique : Green Line
Fida Bizri dans Green Line

Green Line [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]
, le premier long-métrage de la réalisatrice, scénariste et productrice française Sylvie Ballyot, en lice pour le Léopard d’or au Festival de Locarno, explore les traumatismes de tous ceux et celles qui ont vécu l’enfer de la guerre, et plus particulièrement de la guerre civile qui a scindé le Liban en deux de 1975 à 1990, à travers une symbolique "Ligne verte". Celle qui nous ramène dans cet enfer est Fida, une fillette qui subit un quotidien qui n’a plus de sens, un quotidien marqué par des scènes d'horreur insoutenables qui brûle l'âme comme des charbons ardents. Bien que quarante ans soient passés depuis, l’écrivaine Fida Bizri, coscénariste du film, n'a rien oublié des sensations qui, encore enfant, l'ont accompagnée pendant toutes ces années de terreur. C'est celle de ne pas arriver à comprendre, ni à obtenir des explications de la part d'adultes désorientés qui ont tout fait pour la protéger, qui l'a amenée, aujourd’hui, à s'interroger sur les raisons de ce qui s’est passé. Ce qu’elle cherche, ce ne sont pas des réponses alambiquées, mais plutôt l’expression sincère de ce qui s’est passé.

À travers de nombreux témoignages de gens qui ont vécu personnellement la tragédie (quelques civils et de nombreux soldats appartenant aux deux factions, amie et ennemie), le film cherche à exprimer l'inexprimable et à représenter ce qui ne peut l'être, à savoir les sentiments qui ont habité les protagonistes de cette guerre épouvantable, surtout vécue à travers un regard d'enfant. Les questions, directes mais toujours respectueuses, que Fida pose aux anciens miliciens l’obligent à se confronter pour la première fois avec les angoisses qui ont été celles de tous les enfants qui ont subi cette guerre comme un châtiment incompréhensible et cruel. Fida désormais adulte nous fait comprendre combien il est difficile d'admettre qu'on s'est trompé. Car en effet, au bout du compte, les guerres sont toujours des erreurs, des erreurs gravissimes.

Au moyen d'images d’archives qui interviennent sporadiquement, de nombreuses discussions avec des gens qui ont participé à la guerre, d'une figurine en pâte à modeler qui représente Fida enfant et d'une maquette de Beyrouth telle qu'elle était dans les années 1980, le film cherche à reconstruire le quotidien de son héroïne, ainsi que les angoisses qui l'ont longtemps accompagnée et continuent de le faire. Écouter Fida tandis qu’elle se remémore le sentiment de fascination que la mort exerçait sur elle en tant que point final d’une existence dépourvue de sens ne peut pas ne pas interpeller.

Si les ex soldats essaient de donner un sens à leurs actes à travers la parole (ils parlent de la prise de drogues, du fait que pendant la guerre, tout semble devenir acceptable, du fait qu'il n’y a plus du tout de nuances entre être amis ou ennemis, qu'on s'habitue même à l'horreur, qu'on regarde sans voir), les mots semblent insuffisants. Ce sont peut-être plus les gestes, le déplacement machinal des figurines sur la maquette que Fida met à leur disposition et la tristesse qu'on peut lire sur leurs visages qui nous font comprendre que personne, adulte ou enfant, ne peut réellement survivre à l’horreur.

À partir de l’histoire de Fida, Green Line nous parle de tous les enfants qui, encore aujourd’hui, subissent les conséquences de décisions qui les dépassent et se retrouvent au centre d'enfers que les grands ont créés pour défouler une rage insensée. En même temps, le film met en évidence la possibilité de revisiter le passé à travers le théâtre et le cinéma, pas tant pour trouver des réponses à ce qui s’est passé qu'afin d'identifier et traiter de front des sensations trop longtemps étouffées.

Green Line a été produit par TS Productions en coproduction avec Films de Force Majeure et XBO Films.

(Traduit de l'italien)

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