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LOCARNO 2024 Piazza Grande

Critique : Rita

par 

- Dans son premier long-métrage, l'actrice espagnole Paz Vega choisit de raconter une histoire de violence domestique en adoptant la perspective d'un enfant

Critique : Rita
Sofía Allepuz dans Rita

La plus grande réussite de la comédienne espagnole Paz Vega dans son premier long-métrage comme réalisatrice, Rita [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
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, c’est qu’elle arrive à convaincre le spectateur, jusqu’à la fin, qu'il est en train de regarder un certain film, et puis soudain, il devient quelque chose d’assez différent. Rita vient de faire sa première sur la Piazza Grande de Locarno. Compte-tenu de la célébrité de Vega (qui porte ici quatre casquettes : scénariste, réalisatrice, actrice dans un rôle important et productrice déléguée) et de l’urgence du sujet abordé, le film devrait être très demandé dans les festivals, sortir en salle dans les pays hispanophones et se retrouver à la télévision partout dans le monde.

Le personnage éponyme est une fillette de sept ans (jouée par la magnétique Sofía Allepuz) qui vit à Séville avec sa famille, composée de son père chauffeur de taxi José Manuel (Roberto Álamo, vu dans des rôles secondaires dans de nombreux films espagnols), sa mère Mari (incarnée par la réalisatrice), femme au foyer, et son petit frère Lolo (Alejandro Escamilla). Nous sommes en 1984, c’est la fin du printemps, et l’équipe nationale de football espagnole a le vent en poupe à l'Euro, ce qui semble être la préoccupation principale du père.

Rita passe le plus gros de son temps à jouer avec son frère ou le petit voisin de son âge, Nito (Daniel Navarro), quand elle n'est pas avec sa mère ou leur voisine Chari (Paz de Alarcón), à laquelle sa mère la confie quand elle doit aller faire des courses ou rendre visite à sa grand-mère souffrante. Tandis qu'on voit les événements se déployer de son point de vue, sensible mais facétieux, on remarque certaines choses : le tempérament colérique de son père et son attitude négative par rapport au monde, mais surtout par rapport à sa mère ; le désespoir, d’abord silencieux puis davantage exprimé, de cette dernière ; les angoisses et crises de panique du petit frère à chaque fois que les parents se disputent. Tout ceci laisse à penser que le foyer n’est pas nécessairement un endroit sûr (particulièrement pour sa mère), et que l’enfance de Rita n’est pas un conte de fées.

Allepuz est parfaite pour le rôle de Rita du fait de son énergie naturelle, qui se transforme facilement en alchimie fluide avec les autres comédiens, enfants et adultes. Álamo parvient bien à cacher la menace représentée par José Manuel derrière ce qu'on assimile spontanément au blues de l’ouvrier, et Vega donne ici une masterclasse en interprétation de la tristesse qui accable Mari : celle d’une femme impuissante devant son triste sort.

Au-delà de son talent d'actrice, qu'on a déjà pu admirer dans plus de 70 rôles, dans Rita, Vega montre aussi qu’elle sait raconter, comme scénariste et comme metteuse en scène. Son scénario est intelligemment écrit et contrôlé de main de maître dans sa réalisation, avec un bon sens de la narration visuelle. Elle utilise des astuces simples, comme les mouvements de la caméra (maniée par Eva Díaz Iglesias), qui donne l'impression de léviter, et le choix d'angles bas pour imiter la perspective d’un enfant. Le montage d’Ana Álvarez-Ossorio donne au film un bon rythme, sans non plus le hâter, et la musique au piano accompagnée d'une discrète orchestration composée par Pablo Cervantes accentue le côté rêveur et la douceur associée à l’enfance insouciante.

Le résultat final évoque une collection de souvenirs détaillés, et cependant diffus, autour d’une série d'événements que la petite héroïne ne peut voir que comme étant de faible intensité. Cependant, quelque chose de plus sombre est subtilement suggéré et graduellement introduit puis amplifié. Quand le film se termine, ces sous-entendus convergent pour former un tableau saisissant et éprouvant de la violence domestique, ce qui fait de Rita une sonnerie d'alarme déplaisante mais nécessaire.

Rita a été produit par les sociétés espagnoles Áralan Films, Rita La Película et Oda Films, avec la participation de  Arte Sonora Estudios, Canal Sur, RTVE, M+ et Max. Les ventes internationales du film sont assurées par Filmax.

(Traduit de l'anglais)

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