Critique : Gym
- La métaphore centrale dont use le troisième long-métrage de Srđan Vuletić pour rendre compte du fait qu'une minorité agressive contrôle la majorité silencieuse se perd en cours de film

Il y a environ 20 ans, le cinéma bosnien était en pleine explosion, et Srđan Vuletić a été un de ses porte-drapeau avec son premier long-métrage, Summer in the Golden Valley (2003), qui a eu beaucoup de succès et qui a remporté le Prix Tiger à Rotterdam l'année suivante. À présent, 17 ans sont passés depuis le deuxième film de Vuletić, It’s Hard to Be Nice, et le voilà qui présente son troisième, Gym, comme ses deux précedents, au Festival de Sarajevo, cette fois dans la section Open Air.
Gym est un film à travers lequel son scénariste et réalisateur (à partir d’une histoire de Mirela Tepanić-Grbešić) essaie d’explorer la situation, bien connue, mais non moins frustrante, qui fait qu’une minorité voyante et agressive parvient à soumettre la majorité silencieuse. Vuletić tente de le faire en mélangeant quelques éléments de comédie de situation et de drame social réaliste avec quelques rebonds qui font bifurquer le film vers le thriller, en utilisant un événement particulier comme scène de sa métaphore.
L’événement en question est un banquet organisé pour célébrer le lancement d’une nouvelle ligne d'assistance téléphonique censée permettre de résoudre des problèmes écologiques, et le point de vue adopté est celui des employés de la petite entreprise chargée des services de traiteur. Cette entreprise, dirigée par Damir (déchiré par le choix qui se présente à lui, entre fermer sa boîte car les affaires vont mal ou continuer de se battre en espérant que la situation va s’améliorer), est aussi le théâtre d’une lutte de pouvoir entre Ado (Dino Sarija), agressif et offensif, et son beau-frère Riki (Edin Avdagić), plus calme et plus intelligent.
La raison de la discorde entre eux deux est leurs attitudes divergentes vis à vis de leur ancienne collègue Melisa (Dina Mušanović), qui est aussi l'ex du boss, et qui est partie pour monter sa propre affaire. Le plan d’Ado est d'attaquer Melisa jusqu’à ce qu’elle soumette, très littéralement, alors que Riki estime qu'elle avait tout à fait le droit d’essayer de tenter sa chance de son côté. Le reste de l’équipe est, rationnellement, avec Riki, mais personne n'est disposé à s'élever contre Ado, trop déchaîné. Et quand le fusil de Tchekhov fait son entrée, à la fin du premier acte, on peut être sûr que les coups vont éclater avant la fin du troisième.
La plupart des problèmes de Gym viennent probablement du fait que Vuletić a perdu le contact avec le médium cinéma, car il a passé beaucoup de temps sans faire de film, à enseigner et travailler sur des projets de séries TV. Bien que la situation initiale et les caractérisations de base soient établies assez vite, Vuletić prend son temps avec l’exposition et la fait traîner jusqu’au deux tiers du film, qui heureusement ne dure que 84 minutes. À vrai dire, le film fait plus l'effet d'un long pilote de série télé semi-ambitieuse essayant de mélanger le sitcom (mu par l'humour local) et le vague commentaire social et critique sur les difficultés des jeunes appartenant à la classe ouvrière dans la Bosnie-Herzégovine contemporaine.
Le fait que le film se passe presque dans un seul lieu et qu’il y ait très peu de décors suggère aussi un budget modeste ou une production réduite, plus qu'il n'indique un réalisme volontaire. La même chose vaut pour la photographie de Darko Herič, dont la netteté numérique aurait mieux convenu au petit écran qu'au grand, ainsi que pour le montage de Željko Šošić, qui aurait pu être plus fluide.
Gym est un excellent exemple de travail dont les nobles intentions sont entravées par des ambitions littéraires, didactiques et moralisatrices surdimensionnées, qui s'ajoutent à une exécution très imparfaite et peu spectaculaire. Quel dommage que même la métaphore centrale soit reléguée au banc de touche sur une très grosse partie de la durée du film.
Gym est une coproduction entre la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, la Slovénie et le Monténégro, pilotée par Realstage en coproduction avec Kinorama, Iridium Film et Dogma Studio, et avec la participation de BH Telecom.
(Traduit de l'anglais)
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