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SARAJEVO 2024 Compétition

Critique : Dwelling Among the Gods

par 

- Dans son deuxième long-métrage, Vuk Ršumović raconte l'histoire d'une réfugiée aux prises avec sa culture, et la bureaucratie serbe

Critique : Dwelling Among the Gods
Fereshteh Hoseini dans Dwelling Among the Gods

Parfois, il est difficile de donner un visage humain à des événements de large échelle qui durent longtemps, comme la crise des réfugiés actuelle, ou même de trouver les mots pour les décrire. On a tôt fait de se perdre dans les chiffres et les données statistiques. Dans son deuxième long-métrage de fiction, Dwelling Among the Gods [+lire aussi :
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, c'est précisément cela que Vuk Ršumović essaie de faire en racontant une histoire qui est arrivée (ou aurait pu arriver) à des gens en Serbie, sur "la route des Balkans". Le film a fait sa première mondiale dans le cadre de la compétition fiction du 30e Festival de Sarajevo.

Une famille afghane composée de la mère, Fereshteh (Fereshteh Hoseini), de son mari Reza (Reza Akhlaghirad) et de trois de leurs enfants s’est arrêtée dans un centre pour réfugiés serbe, en chemin vers l’Allemagne. À travers l'avocat Zoran (Vule Marković), qui travaille pour une O.N.G., et l’interprète en dari Nikola (Nikola Ristanovski), Fereshteh a appris qu'un jeune homme récemment mort noyé pourrait bien être son frère Ali. Elle se lance dans une mission pour prouver son identité et ses liens de sang avec lui, demander son corps et organiser un véritable enterrement.

Cependant, à chaque étape sur son chemin, il y a un obstacle logistique, légal ou bureaucratique à surmonter, et le temps lui est compté, car des membres de la famille de Reza veulent reprendre leur voyage dès que possible. L'attente et le fait de tourner en roue frénétiquement affecte aussi son couple, et le fait que leur fille aînée, adolescente, soit tombée amoureuse d’un garçon du camp n'allège pas la situation. Nikola, idéaliste, a vraiment envie d’aider ; Zoran, plus réaliste, un peu moins, compte tenu du fait que Fereshteh n’est pas sa seule cliente. Quoiqu'il en soit, le système, personnifié à travers la figure de l’employé sans nom (Petar Zekavica), est tout simplement trop rigide pour ce genre de situation, et l’insistance du père de Fereshteh pour renvoyer le corps d’Ali en Afghanistan complique encore davantage les choses.

Pour son film précédent, No One’s Child [+lire aussi :
critique
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fiche film
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(2014), Ršumović avait puisé son inspiration dans des faits réels pour raconter l’histoire d’un individu qui doit apprendre à survivre dans un système fermé contenu à l’intérieur d’un système plus vaste, dépendant également de la politique. S’il a changé le personnage, le contexte est assez similaire ici, avec un ou deux niveaux de système, car Fereshteh doit gérer sa famille et son environnement culturel et religieux, en plus de la bureaucratie serbe.

La caméra souvent tenue à l'épaule par Damjan Radovanović, qui rend dans des tons de gris glauque le paysage à l'intérieur du camp de réfugiés comme celui de la périphérie de Belgrade et de la vie en Serbie en général, adopte une approche cinéma-vérité, un choix logique et pertinent qui ajoute à l'impression générale d'urgence. Le design sonore de Dubravka Premar se démarque aussi : il remplit le paysage sonore d’un murmure réaliste, c'est-à-dire que Dwelling Among the Gods se pose en légitime successeur aux classiques du cinéma-vérité.

Le problème est ailleurs : dans le casting et le travail avec les acteurs. Les interprètes iraniens choisis pour les deux rôles principaux opèrent dans un registre émotionnel exalté alors que le reste de la troupe est plus contenu, plus réaliste, et ce contraste ne fonctionne pas en faveur des acteurs principaux. Par ailleurs, les mécanismes dramaturgiques introduits pour informer le public sur le contexte de la culture afghane (dans laquelle en tant que femme, Fereshteh n’a pas la même capacité d'action que son mari, son père ou son frère) effleurent à peine la surface et ne font que restituer des choses qui sont déjà de notoriété commune. Au bout du compte, Dwelling Among the Gods est un travail noble et, dans une certaine mesure, accompli, mais ses qualités cinématographiques ne sont pas tout à fait à la hauteur de l’urgence de l’histoire que le film raconte.

Dwelling Among the Gods est une coproduction entre la Serbie, l'Italie et la Croatie, pilotée par BaBoon Production en coproduction avec Night Swim, Kinorama et Art&Popcorn.

(Traduit de l'anglais)

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