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VENISE 2024 Semaine internationale de la critique

Critique : Paul & Paulette Take a Bath

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- VENISE 2024 : Le premier long-métrage du Britannique Jethro Massey raconte une histoire d’amour parisienne fantaisiste interrompue par des détours insolites dans l’histoire sombre de la ville

Critique : Paul & Paulette Take a Bath
Marie Benati et Jérémie Galiana dans Paul & Paulette Take a Bath

En 1974, dans le film de Jacques Rivette, deux amies, Céline et Julie, se montaient un bateau. Dans la scène finale, on les voyait dériver sur le fleuve de leur propre imagination. Une salle de bains comme celle où se retrouvent les personnages du film dont on va parler maintenant est un espace beaucoup plus confiné et intime – et une excellente analogie pour rendre les dimensions et le ton du premier long-métrage du Britannique résidant à Paris Jethro Massey, Paul & Paulette Take a Bath [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Jethro Massey
fiche film
]
, qui baigne complaisamment dans son propre jus de misanthropie. Le film, autoproduit par le réalisateur, projeté en première mondiale à la Semaine internationale de la critique de Venise, est un travail inégal, mais qui impressionne pour la manière dont il donne un coup de neuf à de vieilles formules filmiques. C'est même peut-être la toute première comédie romantique historico-noire.

Paul & Paulette Take a Bath, certes obsédé par les recoins décrépis du passé de Paris, est démodé et rétrograde pour d'autres raisons encore, moins volontaires. Cela faisait des lustres qu'un cinéaste n'avait pas choisi comme motif central éhonté de son film "un gars et une fille se rencontrent au coeur de la ville de l'amour" envisagée sur un ton imitant la Nouvelle Vague, Before Sunset et les études de personnages masculins subalternes qu'a réalisées Wes Anderson au début de sa carrière, mais ce n'est pas parce que ce type d'intrigue a quitté les écrans depuis bien quinze ans qu'il revient plein de fraîcheur, car les goûts et la politique du genre ont changé. Paul (Jérémie Galiana) est un aspirant photographe américain à la chevelure ébouriffée, Paulette (Marie Benati) une brunette surexcitée à l'humeur tantôt morbide, tantôt fantaisiste. Oui, ils sont étonnamment photogéniques et chics, et on a du mal en les voyant à ne pas réfléchir à l’incroyable immortalité de tous ces clichés romantiques.

La rencontre amoureuse se produit quand Paul voit Paulette en train de rejouer la mort de Marie-Antoinette dans une grande artère de la ville. Aussi saisissant que le spectacle puisse être, comme premier geste par lequel on découvre un personnage, la théâtralité impulsive de ce moment est assez convenue. Cependant, la fluidité sexuelle de Paulette, qui est un de ses aspects plus modernes, rend son flirt avec Paul assez imprévisible : apparemment, elle pleure encore sa rupture avec Margerita (Margot Joseph), de son métier "sosie de Marilyn Monroe", et nos personnages, pour être déjà réunis par leurs noms, consomment leur relation beaucoup plus tard qu’on ne pouvait l'attendre. Et puis il y a la question des allusions historiques de Massey : la "conversation" entre nos deux héros consiste principalement en des exposés sur les méfaits et la tyrannie qui ont frappé la ville tout au long de l'histoire : l'occupation sous le régime de Vichy, la dictature militaire de Napoléon, les nombreux crimes coloniaux... Les descriptions récitées font l'effet de textes Wikipédia, mais l'effet est positif, car ils sont précis et lucides. C'est là que les aspects les plus originaux de la vision artistique de Massey se révèlent : les preuves concrètes de cette histoire existant dans Paris peuvent donner l'impression d'être bien déguisées, mais cette génération a grandi avec internet et les réseaux sociaux, une manière très efficace de faire de nouveau circuler ces récits (d'ailleurs, l'emploi de Paul dans le e-commerce de luxe indique bien la place centrale du numérique dans le film).

Si l'élément éculé des composantes de Paul & Paulette Take a Bath porte un peu au cynisme, l’absence de sentimentalité du film et son talent pour mettre mal à l’aise entament la complaisance du spectateur. De même qu'un bain chaud est un endroit bizarrement utile pour réfléchir, le film de Massey se plaît à réfléchir à nos irrationalités et à nos étranges fixettes et à se démander d’où elles viennent (en référence à un fil de l’intrigue impliquant le père perturbé de Paulette) et si l’amour peut nous aider à leur échapper.

Paul & Paulette Take a Bath a été produit par la société britannique de Jethro Massey, Film Fabric.

(Traduit de l'anglais)

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