02/09/2024 - VENISE 2024 : Pour raconter, dans son premier long-métrage de fiction, l'odyssée d'un livreur à vélo africain à Turin, Milad Tangshir s'est plus qu'inspiré du Voleur de bicylette

Ibrahima Sambou dans Anywhere Anytime

À Turin, un jeune immigré clandestin sénégalais, Issa (Ibrahima Sambou) est licencié par son employeur et demande de l’aide à son ami Mario (Moussa Dicko Diango), qui lui conseille de faire livreur à bicyclette. Mario lui prête son téléphone, pourvu de l’application dédiée aux livreurs, et l'argent nécessaire pour s’acheter un vélo d’occasion. Isa se lance à travers les rues de la ville et commence, optimiste, à livrer ses premiers kebabs. Ainsi débute Anywhere Anytime [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Milad Tangshir
fiche film] (du nom de la société de livraison, mais ce titre reflète aussi une certaine condition existentielle) de l’Iranien Milad Tangshir, dont c'est le premier long-métrage de fiction. Ce film est la seule production italienne sélectionnée à la 39e Semaine internationale de la critique de la Mostra de Venise.

C'est un Turin des marges que nous montre Tangshir, soutenu par son chef opérateur Giuseppe Maio, qui abandonne ici les couleurs contrastées qu’on lui avait demandées dans d'autres films (Familia, Mondocane) en faveur des lumières naturelles du nord-ouest de l'Italie. Issa prend ses repas dans une cantine tenue par une association religieuse et dort dans les modules mis en place par la Croix-Rouge, de gros cubes de plastique équipés de quatre lits de camp. Là, il rencontre Awa (Success Edemakhiota), qui a dormi tout l'hiver dans le bus 67 ("t'es au chaud et tu fais le tour de la ville en échappant aux contrôles"), voudrait devenir chanteuse ("chante moi quelque chose", lui demande Issa) et a de la famille en France, mais "préfère ici". Le réalisateur met en scène le plus de composantes possibles de cette réalité sans tomber dans la rhétorique du film sur les immigrés typique. Ici survient quelque chose de banal et inattendu à la fois : Issa se fait voler son vélo. Si vous êtes déjà en train de penser au film réalisé par Vittorio De Sica en 1848, mais version 2.0, vous avez vu juste.

Désespéré, Issa va passer le reste des 82 minutes que dure le film dans une frénétique chasse au voleur (d’abord au marché, puis dans le quartier le plus "difficile") et quand il croit avoir identifié ce dernier, ami d'un sans-abri (tout comme dans Le Voleur de bicyclette de Vittorio De Sica), il se retrouve face à d'autres immigrés armés de couteaux (des Maghrébins, qui sont ici dans le rôle des "méchants"). Il sera tenté de voler à son tour pour pouvoir reprendre le travail, mais va s’en repentir, et entâcher de trahison une amitié. Non que le réalisateur originaire de Téhéran ait décidé de se mesurer avec le chef d'œuvre du néoréalisme italien : il l'utilise comme fondation sur laquelle construire son film sur les invisibles. "Ici, un noir est un noir", déclare à un moment un Mario laconique. Avec des différences, bien sûr, Anywhere Anytime est presque une version masculine de Princess [+lire aussi :
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interview : Roberto De Paolis
fiche film] – du reste, ce n’est pas par hasard que Roberto De Paolis fait partie des producteurs de ce travail de Milad Tangshir. Il faut mentionner certains morceaux intégrés à la bande originale qui accompagne l'odyssée d’Issa pour survivre, notamment Killing a Gypsie de Yom, Heywete de Tesfa-Maryam Kidane et plusieurs autres spécimens du jazz phénoménal qu'ont produit le Sénégal et l'Éthiopie dans les années 1970 (pour "créer un sentiment d’aliénation", explique le réalisateur dans sa note d'intention).

Anywhere Anytime a été produit par Vivo Film et Young Films avec Rai Cinema. Les ventes internationales du film sont gérées par Fandango.

(Traduit de l'italien)

Galerie de photo 01/09/2024 : Venice 2024 - Anywhere Anytime

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Milad Tangshir
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