Critique : Harvest
- VENISE 2024 : Le nouveau film d'Athina Rachel Tsangari est un conte étrange situé dans un village isolé régi par un maître détestable

Dans le nouveau film d’Athina Rachel Tsangari, son premier en anglais, l’espace et le temps ne sont pas bien définis. Harvest [+lire aussi :
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fiche film] se passe quelque part entre la fin du Moyen Âge et le XVIIe siècle, en Écosse ou peut-être ailleurs au nord de l’Europe. Ce qui est sûr, c’est que l’histoire se déploie sur sept journées hallucinées dans un petit village. On suit, au premier plan, les mésaventures de deux amis d’enfance, le citadin devenu fermier Walter Thirsk (joué par le talentueux Caleb Landry Jones) et le seigneur du manoir Charles Kent (un ambigu Harry Melling), totalement désemparé. Leurs vies et celles des autres habitants de cette communauté rurale reculée, tranquille, vont être irrémédiablement bouleversées par un incendie qui survient dans les étables de la ferme et par l’arrivée de deux personnages mystérieux : un cartographe étranger appelé Earle (Arinzé Kene) et le détestable cousin de Kent, Master Jordan (Frank Dillane).
Le film, dévoilé en compétition à la Mostra de Venise, baigne dans une atmosphère assez unique, à la fois bucolique, violente et parfois surréaliste, où tout est possible et où presque rien n'est raisonnable ou compréhensible. Cette impression est transmise en particulier par les images, tournées sur pellicule dans une palette de couleurs vives et chaudes par Sean Price Williams.
Toute la troupe fait du bon travail, bien que le potentiel de certains des acteurs ne soit pas pleinement exploité (en particulier celui de Kene, chargé de jouer un personnage qui aurait bénéficié d’un développement plus nuancé au scénario et d’une personnalité plus complexe).
Dans l’ensemble, Harvest est un film plus fascinant qu'il n'est intelligible, dont la deuxième moitié est significativement plus intéressante que la première. L'exposition de départ et la première partie se déploient à un rythme assez lent, mais l’arrivée de l'impitoyable cousin de Charles Kent avec ses hommes de main rendent le film plus dynamique, de sorte que la curiosité du spectateur par rapport au destin de cette petite communauté finit tout de même par être un peu piquée. La conclusion de l’arc narratif rend les choses plus claires (du moins en partie) et reprend les thèmes principaux du film : l’appartenance et les jeux de pouvoir.
On note que le catalogue de la Mostra indique que le film est une sorte de western "tragi-comique", mais c'est vraiment la composante tragique qui domine, et il y a très peu de moments de répit allégés par un peu de comédie, voire aucun. Ceci étant dit, le traumatisme inhérent au fait de devoir interagir avec la modernité est assez bien dépeint et clairement incarné par l’apparence et les actes de Master Jordan. Le traitement qui est fait ici du conflit "nature contre culture" est en revanche peu mémorable, et il manque d’énergie par rapport à des travaux plus marquants sur les mêmes thèmes (comme There Will Be Blood de Paul Thomas Anderson ou le prétendant au Lion d'or de l'année dernière The Promised Land [+lire aussi :
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fiche film], pour n'en citer que deux), mais son intention satirique est très nette – pour ne pas dire qu'elle s'exprime sans grande subtilité.
Harvest a été produit par Sixteen Films (Royaume-Uni), Louverture Films (États-Unis), The Match Factory Productions (Allemagne), Haos Film (Grèce), Why Not Productions et Meraki Films (Chypre). Les ventes internationales du film sont assurées par The Match Factory.
(Traduit de l'anglais)
Galerie de photo 03/09/2024 : Venice 2024 - Harvest
27 photos disponibles ici. Faire glisser vers la gauche ou la droite pour toutes les voir.



© 2024 Fabrizio de Gennaro for Cineuropa - fadege.it, @fadege.it
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