Critique : TWST - Things We Said Today
par David Katz
- VENISE 2024 : Le grand documentariste roumain Andrei Ujicâ nous ramène à New York pendant l'été 1965, quand les Beatles ont joué au Shea Stadium tandis que le reste de la ville se préparait à changer

Une célèbre réplique de James Bond par la bouche de Sean Connery dans Goldfinger décrit quelque chose comme "aussi affreux que d'écouter les Beatles sans cache-oreilles". Compte tenu de l'adulation dont ils continuent de faire l'objet, on a du mal à imaginer que les Beatles, fils chéris de Liverpool, aient pu être reçus avec un certain scepticisme à leurs débuts par les persifleurs, que ce soit pour le côté plus simple de leurs premiers singles ou pour le fait qu'on les associent à la culture des jeunes du début des années 1960. La Beatlemania, nourrie par le chœur des jeunes groupies hurlantes, était interdite aux adultes, qui du reste n'avaient aucune envie d'en être.
Andrei Ujicâ, parrain de la Nouvelle Vague roumaine et pionnier des films expérimentaux à partir d'images existantes, a choisi de commémorer cette période culturelle dans TWST - Things We Said Today, qui porte le nom de la mémorable piste de l'album de 1964 A Hard Day’s Night. Avec ses 85 minutes seulement (alors que les travaux précédents d'Ujicâ, Vidéogrammes d'une révolution et L'Autobiographie de Nicolae Ceausescu [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film], étaient beaucoup plus substantiels), ce film qui salue ce qu'il décrit comme "le plus grand groupe de tous les temps", n'ajoute pas de propos particulièrement nouveau ou provocateur sur ce sujet déjà bien documenté, mais la manière dont il distille les images réunies et des citations littéraires tout en relatant le concert du Shea Stadium concert, en août 1965, fait de son film une oeuvre rêveuse, qui résonne et touche le spectateur. Elle a fait sa première cette semaine, hors compétition, à la Mostra de Venise.
Si les archives en 16 mm noir et blanc provenant de la télévision américaine et les vidéos familiales en 8 mm couleur correspondent à l'idée qu'on se fait rétrospectivement de cette époque, les modalités de mise en récit employées sont plus nouvelles, et excentriques. Le film est une coproduction entre la France et la Roumanie, mais plusieurs producteurs new-yorkais sont cités au générique, comme Kent Jones (un des pontes), et on entend aussi les observations de deux témoins de l'époque, l'essayiste et poète Geoffrey O’Brien (qui parle par la voix de Tommy McCabe) et l'écrivain Judith Kristen (Therese Azzara), dont les souvenirs sont remaniés pour accompagner les images.
On ne comprendra pas forcément davantage les États-Unis de 1965, mais le travail d'Ujicâ et sa monteuse Dana Bunescu convoque sensoriellement l'aura d'espoir de cette époque. Elle a perdu de son allant, comme les cheveux de John, Paul, George et Ringo sur la pochette de Beatles for Sale, mais elle ne ploie pas encore face à la contreculture. Elle rentre son ventre, prête à aborder les splendeurs à venir, mais aussi les disputes et révoltes des années qui vont suivre. Ce n'est pas pour rien que la Foire internationale de New York organisée à Queens en 1965 est très présente dans la dernière section : face à l'éventail des séquences qui composent le film, on a l'impression de sillonner ses allées parmi les nombreux pavillons : on passe une tête curieuse à l'intérieur de chacun pendant quelques minutes puis l'attention est détournée en faveur de quelque chose d'autre, tant et si bien que l'esprit, surstimulé, en est un peu étourdi.
Entre les visions fugitives d'éléments typiques des documentaires en forme de "symphonie d'une ville" (les coups d'œil sur les monuments iconiques, ici Times Square, les moments passés à la plage, les transports qui véhiculent efficacement les citadins), les pitreries des Beatles dans la Grande Pomme sont présentées parallèlement à des images des émeutes de Watts à Los Angeles (qui ont soulevé la population noire contre les violences policières), et les mots de O’Brien mentionnent même, pour un effet maladroit, qu'Harlem est également un lieu régulièrement en proie à l'agitation. O’Brien et Kristen évoquent un âge dominé par une innocence candide – qui correspond au sentiment principal que transmet TWST par rapport à l'esprit de l'année 1965, après quoi même les Fab Four ont été happés par la politisation.
TWST - Things We Said Today est une coproduction entre la France et la Roumanie qui a réuni les efforts des Films du Camélia, de Modern Electric Pictures et de Tangaj Production. Les ventes internationales du film sont assurées par Minerva Pictures.
(Traduit de l'anglais)
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