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VENISE 2024 Orizzonti

Critique : Aïcha

par 

- VENISE 2024 : Dans ce thriller, le Tunisien Mehdi Barsaoui suit une jeune femme qui cherche courageusement une nouvelle identité après avoir survécu à un grave accident de la route en bus

Critique : Aïcha
Fatma Sfar et Nidhal Saadi dans Aïcha

Mehdi Barsaoui a présenté son premier long-métrage, Un fils [+lire aussi :
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, en première mondiale dans la section Orizzonti de la Mostra de Venise en 2019. Non content de faire un beau parcours, le film a valu un César à son acteur principal, Sami Bouajila. Cinq ans plus tard, le réalisateur a fait son retour sur le Lido avec Aïcha [+lire aussi :
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, qui a remporté le prix parallèle du meilleur film méditerranéen remis par l’Académie des Beaux-Arts de Venise.

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Aïcha fait l’effet d’un film où "tout, absolument tout" se passe : c’est un bilan exhaustif de l'état de la société tunisienne post-révolution dont le personnage éponyme, joué par Fatma Sfar, circule entre différents milieux et différentes identités, réelles et métaphoriques. On pourrait juger le scénario surchargé et trouver qu'il court le risque de n'être pas plausible, mais Barsaoui donne vie à cette histoire avec une incroyable énergie qui renvoie presque à Dickens par le nombre de péripéties qui surviennent ici tandis que l'héroïne passe des haillons à un statut social plus élevé, et se retrouve aussi dans les failles juridiques à travers lesquelles l'intrigue trouve son dénouement.

Et tout comme Les grandes espérances s’ouvre sur une incertitude par rapport au nom du héros, Pip, le personnage incarné par Sfar s'appelle d'abord Aya, quand on fait sa connaissance en plein désert, dans la ville de Tozeur, puis devient Amira quand elle rallie l'univers plus scintillant de Tunis, avant de devenir Aïcha, ce qui signifie "vivante" en arabe. Aya, prouvant de nouveau que les films dont l'action se passe principalement dans un hôtel sont rarement ennuyeux, commence l’histoire dans l'hospitalité, à nettoyer les draps des riches touristes et à leur servir des fruits de mer aux opulents buffets qui leur sont proposés, jusqu'à ce que le bus qui la ramène de son travail au modeste logis de ses parents, où elle habite toujours, ait un accident tragique sur une route difficile au milieu du désert. Alors qu'elle rampe jusqu'à un lieu sûr, elle voit les services d’urgence inscrire son nom dans la liste des passagers décédés. Y voyant une opportunité, elle ne les corrige pas et part en direction de son lieu de rêve, Tunis, la page Airbnb ouverte sur son téléphone.

Là, elle s’installe comme colocataire avec Lobna (Yasmine Dimassi), une doctorante en Humanités (comme elle aime le dire) qui lui fait connaître la vie nocturne de la capitale (confirmant la réputation qu'a la Tunisie d'être un des pays arabes les plus libéraux du monde) et tout un éventail d'hommes puissants à fréquenter. Quand elle est témoin du meurtre d'un de ces hommes par des policiers et se fait interroger par l’inspecteur Farès (la star locale Nidhal Saadi), qui veut protéger la réputation des forces de l’ordre mais sent aussi se réveiller sa fibre morale, la supercherie d'Amira menace de la rattraper. 

Ceci n'est que la trame, car Barsaoui sème des harengs rouges et des indices à mesure qu'il assemble la structure de l’intrigue, ce qui rend Aïcha très captivant tout du long. L'objectif premier du film étant de dépeindre des identités mouvantes, l'évolution d'Aya/Amira évoque aussi Titane [+lire aussi :
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, car c'est une progressive émancipation féminine instable et désordonnée qu'on suit ici (et la photographie est mouchetée d'éclats de lumière), car elle doit se tortiller en tous sens pour échapper aux différents hommes qui essaient de la clouer sur place. Ces derniers sont d'ailleurs des hypocrites : plusieurs révélations et coups de théâtre vont montrer qu'Aya n'est pas la seule à cacher des informations clefs sur elle-même. Le fait qu'Aïcha soit inspiré de véritables histoires qu'on a connues après la révolution compense sa tendance à prendre des raccourcis : quand on voit des reportages télévisés improbables vérifiés dans la presse, on a peine à y croire aussi.

Aïcha est une coproduction entre la Tunisie, la France, l’Italie, l’Arabie saoudite et le Qatar qui a réuni les efforts de Cinetelefilms, Dolce Vita Films, Dorje Film et 13 Prods. Les ventes internationales du film sont gérées par The Party Film Sales.

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(Traduit de l'anglais)

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