email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

TORONTO 2024 Centrepiece

Critique : Une part manquante

par 

- Guillaume Senez entraine Romain Duris au Japon dans un drame de la parentalité où un père s’offre un dernier sursis, un récit ténu et tenu où l’émotion gonfle comme une vague

Critique : Une part manquante
Mei Cirne-Masuki et Romain Duris dans Une part manquante

En 2018, Guillaume Senez et Romain Duris faisaient équipe pour Nos batailles [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Guillaume Senez
fiche film
]
, la bouleversante histoire d’un père mis face à ses responsabilités quand la mère de ses jeunes enfants disparait. Dans Une part manquante [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Guillaume Senez
fiche film
]
, dévoilé en avant-première au Festival de Toronto dans la section Centrepiece, ils explorent à nouveau la complexité de la figure paternelle, à travers l’histoire d’un homme séparée de la fille.

Un étranger dans la ville. Le film débute avec Jay (Romain Duris), au volant d’une voiture qui sillonne de nuit les rues de Tokyo. Perclus dans sa solitude, on comprend vite qu’une succession de désillusions l’ont poussé à faire profil bas, qu’il n’était qu’à un pas du point de rupture, et que son retour annoncé en France est une façon de tourner définitivement la page d’un passé trop douloureux. Jay parle parfaitement japonais, il connaît le plan de la ville sur le bout des doigts, fréquente un sento (les bains japonais), et mène une vie monacale, tout en retenue. Pourtant son statut reste celui du Gaijin, de l’étranger. Quand Jessica (Judith Chemla), jeune mère française en souffrance à laquelle on a arraché son enfant débarque dans sa vie, l’équilibre de Jay est rompu. Lui qui pensait avoir laissé derrière lui son obsession, prêt à taire émotions et sentiments, il est rattrapé par la colère de Jessica, sa détermination à ne pas laisser faire les choses. Au hasard d’un remplacement au travail, il pense croiser la route de sa fille. Contre toute attente, il va se précipiter vers un salutaire inconnu, oublier tout contrôle, franchissant en toute conscience la ligne rouge.

Servi par un scénario hyper efficace fait de petits riens qui débouchent sur l’impossible rencontre, cheminant sur la voie claire-obscure d’une résolution aussi lumineuse que condamnée d’avance, Une part manquante explore tout autant l’obsession d’un père que l’irréductible altérité de l’étranger. A trop vouloir s’adapter, Jay s’est oublié, comme il a été effacé de la mémoire de sa fille. Sa rencontre avec Jessica, sorte de miroir inversé du père qu’il a été, fait peu à peu ressurgir ses pulsions, comme si les coutures du costume auquel il s’était contraint craquaient une par une.

Une fois encore, Guillaume Senez raconte un homme qui trouve son salut par la grâce de personnages féminins qui l’élèvent et l’extraient de son aveuglement. Il filme le Japon sans le fétichiser, terre d’accueil récalcitrante de son héros abimé. Jay a tout fait pour se fondre dans la masse, il a beau être presque plus japonais qu’un Japonais, il reste pourtant exclu. Il est tout autant rejeté par son ex-femme et donc sa famille que par le corps social qu’il a voulu intégrer. Pourtant, cet échec est traversé par une lumière que l’on voit poindre, de plus en plus brillante au fil du film, alors que la nuit fait place au jour, et que Lily (Mei Cirne-Masuki), l’enfant confisquée, prend sa place dans le récit. Et la contrainte et la retenue, temporairement, laissent filtrer une lueur d’espoir et un souffle de vie, servis par la mise-en-scène, une direction de la photographie subtile et une musique originale qui ose un lyrisme juste assez grand pour coller aux étincelles qui renaissent chez Jay.

Avec Une part manquante, Guillaume Senez collabore pour la première fois avec Versus Production en Belgique, et il est à nouveau accompagné à la production en France par Les Films Pelléas. Les ventes internationales sont gérées par Be For Films. La sortie française est prévue le 13 novembre par Haut et Court, et la sortie belge le 20, assurée par O’Brother Distribution.

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy