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TORONTO 2024 Platform

Critique : Mr. K

par 

- La scénariste-réalisatrice Tallulah H. Schwab propose un drame surréaliste hautement allégorique sur un magicien itinérant coincé dans un hôtel

Critique : Mr. K
Crispin Glover dans Mr. K

Faites connaissance avec Monsieur K., un magicien itinérant qui cherche un endroit pour passer la nuit, comme à chaque fois qu'il fait son numéro devant un public qui semble assez indifférent au fait qu'il soit capable, assez littéralement, de faire apparaître des choses à partir de rien. À l'hôtel le plus proche, la dame bougonne de la réception (qui l'informe que s'il veut une télévision, il faut payer un montant supplémentaire) lui indique sa chambre, où il trouve un étrange vieil homme sous son lit, un membre du personnel de nettoyage dans son placard et toute une fanfare qui sort des murs de l'établissement. Ainsi va le début de Mr. K [+lire aussi :
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, le deuxième long-métrage, d'ores et déjà très riche en action, de la réalisatrice et scénariste norvégienne installée aux Pays-Bas Tallulah H Schwab (sélectionnée à Berlin en 2014, dans la section Generation Kplus, avec Confetti Harvest [+lire aussi :
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), qui se tourne ici vers le surréalisme. C’est peut-être un des films les plus audacieux et excentriques qui aient fait leur première mondiale dans la section Platform du Festival de Toronto cette année.

L’acteur de genre encensé Crispin Glover est parfait dans le rôle de M. K. (un clin d’œil pas franchement subtil à Franz Kafka) qui bascule (parfois littéralement) entre quidam sympathique et tribun charismatique, rejoint par plusieurs personnages féminins délicieusement décalés joués par Sunnyi Melles, Fionnula Flanagan et Dearbhla Molloy. Très vite, M. K. découvre qu’il ne peut pas s'échapper de l’hôtel, se rend à ce sort et saisit à bras le corps (dans une certaine mesure) l'absurdité de l’ensemble de la situation, tout en apprenant à connaître la communauté qui est coincée avec lui dans ces lieux. Il développe une certaine camaraderie avec un employé de cuisine appelé Anton (Jan Gunnar Røise) qui n'a (probablement) jamais quitté l’hôtel depuis qu’il y est entré et dont le désir le plus cher est d'être promu batteur d'œufs. Dans cet hôtel qui cache mille secrets (un bâtiment façon "Mary Poppins" qui contient des multitudes de couloirs sans fin), M. K. devient néanmoins agité, sans être banalement rationnel, mais sans accepter non plus la réalité de cet établissement. C'est Wonka au Pays des merveilles, avec des escaliers à la M. C. Escher présents dès le tout début, et des décors bien chargés conçus par Maarten Piersma et Manolito Glas.

Qualifier un film de "kafkaïen" est facile, même si le héros ne se retrouve pas nécessairement inexplicablement incarné en insecte monstrueux, mais être à la hauteur de cette étiquette est une autre paire de manches. Ceci étant dit, Schwab aborde ce défi de manière très compétente, créant un univers à la Charlie Kaufmann avec un peu moins d’humour pince-sans-rire et un peu plus d’amusement (et d’horreur), le tout sur une musique orchestrale contemporaine entraînante et légèrement inquiétante composée par Stijn Cole. Certes, ce film ne satisfera pas les désirs de ceux qui aiment les aventures logiques : Mr. K requiert une suspension de toute velléité d'intellectualisation cinéphilique et demande d'accepter tout simplement qu’on ne peut pas tout comprendre (voire qu'on ne comprend rien du tout), mais peut-être que c’est mieux comme ça.

Le film fait aussi office d'allégorie sociale, acerbe sans être entièrement didactique. Pourquoi M. K. est-il promu si vite dans le système népotique de la répartition des emplois dans l'hôtel, et pourquoi a-t-il tant envie de devenir le "libérateur" qui sortira ses pensionnaires permanents de ce cauchemar sans fin ? Après avoir tout d’abord rejeté ce rôle, il trouve du réconfort dans cette idée, au grand désarroi des prisonniers de l'établissement. Mr. K ne manquera pas de vous surprendre, et ce jusqu'à ses dernières secondes, même si vous n’avez aucune idée de ce qui s'y passe. Mille interprétations sont possibles. Pourquoi ne pas inventer la vôtre ?

Mr. K a été coproduit par Lemming Film (Pays-Bas), A Private View (Belgique), Take 1 (Norvège) et The Film Kitchen (Pays-Bas). Les ventes internationales du film sont gérées par LevelK.

(Traduit de l'anglais)

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