Critique : The Legend of the Vagabond Queen of Lagos
par Olivia Popp
- Le Collectif Agbajowo signe un premier film lourd de sens, proche du peuple, informé par les évacuations des camps informels qui sont en cours dans la plus grande ville d’Afrique

Tandis que des campements informels, partout dans le monde, sont en train d'être rasés, le collectif nigérian Agbajowo Collective (composé d'AS Elijah, Akinmuyiwa Bisola, Edukpo Tina, James Tayler, Mathew Cerf, Okechukwu Samuel et Ogungbamila Temitope) dénonce et combat les efforts du gouvernement pour déplacer des résidents de longue date d'un camp de leurs logements. Leur premier long-métrage, The Legend of the Vagabond Queen of Lagos [+lire aussi :
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fiche film], est un appel à l’action immédiate dont l'intention est aussi d'attirer l'attention du monde sur un problème extraordinairement mondial par son ampleur que les forces capitalistes et un certain oubli dans lequel l'élite socio-économique se complaît ont écarté dans les marges. Le film a fait sa première mondiale dans la section Centrepiece du Festival de Toronto.
La "reine vagabonde" du titre, Jawu (Temi Ami-Williams), est mère d'un tout jeune enfant, Daniel (Kachi Okechukwu), et vit à Agbojedo, un camp informel fictionnel (qui correspond à ce qu'on appelle généralement un bidonville) inspiré du campement informel réel d'Otodo Gbame, au Lagos, où plus de 30 000 résidents ont été déplacés ces dernières années. Jawu gagne modestement sa vie en vendant des préparations à la farine (comme le fameux foufou nigérian). Sur son dos, elle porte la tache de naissance d’un roi guerrier. Après avoir vu un sac d'argent être placé dans une cachette pour le politicien corrompu local, Abisoro (Adebowale Adedayo), elle le dérobe, ce qui déclenche une série d’incidents qui vont incriminer Abisoro et mettre la vie de Jawu sens dessus dessous.
Le film, très bien mis en images par Leo Purman, dépeint très soigneusement cette communauté précaire installée au bord du fleuve sans jamais puiser dans les clichés habituels sur la pauvreté. The Legend of the Vagabond Queen of Lagos montre du doigt une série de problèmes complémentaires qui vont du droit au logement à la corruption des politiciens qui coopèrent avec les gangs et l'élite locale pour extorquer de l'argent aux plus démunis. Tout en étant fortement informé par les cas locaux, le film ne sonde pas assez les problèmes structurels en jeu mais se contente d'évoquer dans les grandes lignes la cupidité de classe. Si Jawu descend d’une longue lignée de guerriers, elle donne l'impression de se retrouver constamment dans des situations où elle n'a pas beaucoup de marge d’action, ce qui fait d'elle une héroïne accidentelle plus qu'une figure déterminée à se battre pour le changement (malgré le titre) – ce sont surtout les premiers moments du film, quand elle promet de trouver une vie meilleure pour son fils, qui nous convainquent d’avoir de l’empathie pour elle, car ils la rendent plus humaine.
Ce que le Collectif Agbajowo réussit ici, c'est à mettre en scène une histoire très pertinente et actuelle d'une manière qui soit authentique par rapport à ce que vivent vraiment les gens dans cette zone : plusieurs membres du collectif ont grandi à Otodo Gbame et se sont mis à combiner le plus possible art et mobilisation sociale. Ceci est très apparent au générique, où on voit que la production a en grande partie été financée par des groupes de défense des droits des individus. Des chorégraphies de foule complexes, dans deux scènes où les résidents d'Agbojedo se font expulser de force de chez eux, constituent les moments les plus puissants du film. Là, on voit que le pouvoir combiné de la police locale et des gangs effraie suffisamment les gens pour qu'ils se soumettent.
The Legend of the Vagabond Queen of Lagos a été coproduit par Slum Dwellers International (Afrique du Sud), Justice & Empowerment Initiatives (Nigéria), Nigerian Slum/Informal Settlement Federation (Nigéria), Die Gesellschaft DGS (Allemagne) et Raconteur Productions (Nigéria). Les ventes internationales du film sont gérées par Rushlake Media.
(Traduit de l'anglais)
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