Le CNC monte au créneau sur les obligations des plateformes
par Fabien Lemercier
- Olivier Henrard appelle à la défense de la directive SMA à l’heure où le lobbying américain s’intensifie pour l’affaiblir à Bruxelles
Président par intérim du CNC depuis le 28 juin, Olivier Henrard a profité d’une conférence de presse de rentrée pour faire le point sur l’état du secteur du cinéma en France, les chantiers en cours, les pistes de travail et tout particulièrement le sujet très européen des obligations d’investissements des plateformes.
Saluant la bonne tenue de la fréquentation en salles avec 117,75 millions d’entrées pour les huit premiers mois de 2024 (dont 44,1% de part de marché pour les films français avec des succès estivaux comme Un p’tit truc en plus, Le Comte de Monte-Cristo [+lire aussi :
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fiche film] ou encore Emilia Pérez [+lire aussi :
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fiche film]), Olivier Henrard a souligné l’efficacité globale remarquable d’un système français également ouvert au monde (en attestent les Grands Prix cannois et vénitien des coproductions All We Imagine As Light [+lire aussi :
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fiche film] et Vermiglio ou la mariée des montagnes [+lire aussi :
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fiche film]) et le dynamisme de la production (100 longs métrages déjà agréés cette année avec un budget moyen à la hausse), tout en rappelant que le CNC ne pèse pas sur le budget de l’État et coûte zéro euro au contribuable car il est financé par des taxe affectées prélevées sur les entreprises du secteur.
Au-delà de la poursuite de plusieurs opérations comme le "plan de diffusion" (60% de soutien supplémentaire pour 110 festivals sur le territoire national, une aide spécifique pour les circuits itinérants et l’augmentation du nombre de médiateurs cinéma), le "plan France 2030" (news) et différentes mesures pour la lutte contre les violences sexistes et sexuelles et pour l’accompagnement vers une transition éco-responsable, le président par intérim du CNC a aussi insisté sur la nécessité de "défendre notre modèle lors de débats budgétaires en France, mais aussi à Bruxelles où, profitant de l’interrègne actuel entre deux Commissions, les Américains, notamment la MPAA, relancent le match de l’exception culturelle et leur lobbying, en attaquant les taxes sectorielles, la chronologie des médias et les obligations de la directive européenne sur les services de médias audiovisuels (SMA). Ils manifestent une certaine fébrilité car ils ont compris que notre modèle remporte de plus en plus de succès. L’Allemagne, où le cadre est pourtant complexe entre gouvernement fédéral et Landers, envisage d’ailleurs de franchir le pas sur les obligations d’investissement."
"Jusqu’à présent, les plateformes ont contribué à hauteur de 350 M€ au financement de la création française, dont 20% pour le cinéma" a rappelé Olivier Henrard. "Il faut défendre la directive SMA car les obligations marchent, elles génèrent des audiences sur les plateformes comme le démontrent les séries françaises ou des films comme Jeanne du Barry [+lire aussi :
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fiche film] (coproduit par France Télévisions et préacheté par Netflix), elles créent de la valeur. Elles ont un intérêt économique pour les plateformes et c’est un deal gagnant-gagnant avec elles. Et ces 350 M€ nous permettent d’atteindre l’objectif de la diversité culturelle car une partie est fléchée vers des œuvres indépendantes ce qui permet aux producteurs de détenir les droits de leurs œuvres et de constituer un catalogue. Les plateformes doivent contribuer en France à hauteur de 20% de leur chiffre d’affaires, ce cadre avait été discuté longuement avec elles et il n’y a pas eu de recours. En Belgique, c’est vrai, il y a un contentieux, mais ce n’est pas comparable avec la situation de la France en termes de vivier de talents et de taille de marché.
"Je ne pense pas que ces 20% soient un sujet en France pour les plateformes. Aujourd’hui, elles ne réclament pas de remise en cause mais davantage de contreparties, des améliorations à la marge comme avancer un peu dans la chronologie des médias (mais pas trop car elles devraient augmenter leurs contributions) ou desserrer un peu leurs obligations fléchées vers les productions indépendantes. Au fond, leur souhait, c’est le modèle de production exécutive qu’ils ont réussi à imposer en Espagne et qui a d’abord bien marché en faisant tourner les studios et en créant de l’emploi. Mais quand il y a eu la grève à Hollywood, tout s’est arrêté : c’est le risquequand on est pieds et poings liés avec ses donneurs d’ordre."
"La France a un coup d’avance avec maintenant trois ans d’application de la directive et, avec l’ARCOM (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique), le CNC est en train de boucler un bilan de ces trois années d’obligations d’investissement qui devrait être prêt en novembre" a conclu Olivier Henrard. "Tous les pays de l’Union européenne nous réclament notre expertise : c’est cela qui rend nerveux nos amis américains et c’est pour cette raison qu’ils s’agitent beaucoup à Bruxelles où il n’y a pas en ce moment de grande sympathie pour la position française. Mais pour accoucher de la directive SMA, c’était pareil, cela avait été un combat au début et cela sera de nouveau un combat pour ne pas l’affaiblir."
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