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TORONTO 2024 Centrepiece

Critique : Under the Volcano

par 

- Dans le deuxième long de Damian Kocur, très original, une famille ukrainienne en vacances à Tenerife au moment où la guerre avec la Russie éclate passe du statut de touristes à celui de réfugiés

Critique : Under the Volcano
g-d: Roman Lutskyi, Sofiia Berezovska, Fedir Pugachov et Anastasia Karpenko dans Under the Volcano

Après le succès de Bread and Salt [+lire aussi :
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, Damian Kocur a trouvé une manière intuitive de transformer le réel et fiction et créer de l’empathie vis-à-vis des civils qui survivent à la guerre russo-ukrainienne avec Under the Volcano [+lire aussi :
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, son deuxième long-métrage, qui a fait sa première mondiale cette semaine à Toronto dans la section Centrepiece. Son titre est la seule chose que le film ait en commun avec le célèbre roman de 1938 : Kocur l'a choisi pour se référer à l'île canarienne de Tenerife, où une famille ukrainienne ordinaire de la classe moyenne passe ses vacances en février 2022, quelques jours seulement avant l’invasion de leur pays par la Russie.

Kocur a déjà cité Michael Haneke comme une influence majeure pour lui et en effet, la petite famille nucléaire parfaite formée par Roman (Roman Lutskyi) et Nastia (Anastasia Karpenko), mariés depuis peu, et les enfants du premier, Sofia (Sofiia Berezovska) et Fedir (Fedir Pugachov), rappelle les "Laurent" récurrents chez le maître autrichien, devenus sans le savoir des signifiants inconscients renvoyant aux valeures bourgeoises, et peut-être à une certaine complaisance. Bien sûr, cette famille finit par s'attirer la sympathie du spectateur, même si elle vient de biais, avec quelque hésitation, du fait de leur situation (relativement) privilégiée – mais Kocur et la scénariste Marta Konarzewska ont manifestement l'intelligence d'être conscients que leurs collègues choisissent généralement des figures moins compliquées, auxquelles on s'identifie plus facilement, dans les films traitant de la guerre.

Under the Volcano est un film de type "des ennuis au paradis" comme il en existe d'autres, mais l’escalade graduelle de la discorde et du danger y est plus subtile : la nouvelle de l'invasion et des missiles lancés sur les grandes villes est relayée par les informations mises à jour qui apparaissent sur les téléphones portables, mais les parents ont l'air plus préoccupés qu'accablés par les événements, bien que les excellentes interprétations de Lutskyi et Karpenko transmettent beaucoup qu'une simple anxiété sous cette façade. Comme la famille, aisée, vient de Kiev, ils appellent regulièrement leurs parents et leurs proches, qui sont en train de fuir ailleurs dans le pays pour se mettre en lieu sûr, sauf un frère qui rejoint immédiatement la Force de défense territoriale à Kharkiv. À l’hôtel lui-même, on leur propose de prolonger leur séjour en leur offrant le gîte et le couvert pour une durée indéterminée. Il y a aussi parmi les pensionnaires une famille russe en vacances avec laquelle les tensions, d'abord tues, tournent à l'aggressivité avec une soudaineté très réaliste.

Sofia, réticente à accepter sa nouvelle belle-mère, devient progressivement le cœur du film, un accent dans lequel on distingue bien la signature de l'auteur de Bread and Salt. Après une ouverture qui s'opère d'emblée sous pression, Under the Volcano dérive vers une stasis plaisante et paradoxalement hypnotisante, filmée dans des lumières souvent flaiblardes, avec une courte profondeur de champ – c'est-à-dire qu'on n'est pas dans un film de détente mais plus un récit où il s'agit d'occuper son temps en attendant, dans une solitude urbaine (Kocur est parvenu, on ne sait comment, à trouver des immeubles hauts et modernes et des vieux lampadaires à Tenerife).

Le développement de l’intrigue est limité, quoique le destin de réfugiés improbables de cette famille trouve une résolution. Cependant, le film n’est pas une "étude de caractères" déguisée non plus : c'est un tableau naturaliste d’un moment dans le temps, conclu par une scène surprenante et longue où Roman et Fedir, qui gagne en maturité au fil du film, passent un vrai moment ensemble en discutant de l'ancienne carrière de rappeur du premier. C’est une manière subtile de dire au revoir, car Roman va probablement se porter volontaire dans l’effort de guerre à Kiev, et son fils prépubère devra être fort et mettre en pause, temporairement on l'espère, sa relation avec son père.

Alors que la guerre va bientôt entrer dans sa troisième année, malgré les efforts robustes de l'Ukraine pour se défendre, les appels se multiplient, au niveau international, pour qu'on n'oublie pas ce qui est en cours. En nous montrant des personnages moins typiques, a priori peu politisés, auxquels on peut se rapporter (le genre qui aimeraient bien, sans réfléchir aux complications, que l'Ukraine soit spirituellement et juridiquement aussi européenne que leur destination de vacances), Kocur trouve une manière de nous faire garder la guerre à l’esprit et d'illustrer ses répercussions loin de l'épicentre, au bord même du continent concerné.

Under the Volcano est une production polonaise pilotée par Lizart Film en coproduction avec Hawk Art, MGM SA et TVP SA. Les ventes internationales du film sont gérées par Salaud Morisset.

(Traduit de l'anglais)

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