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TORONTO 2024 Discovery

Critique : Linda

par 

- Ce premier long par Mariana Wainstein, timoré dans le traitement qu'il fait de l'arrivée au sein d'une famille riche d'une hôte séduisante, n'hésite pas à nicher sa caméra au coeur de cette intimité

Critique : Linda
Minerva Casero et Eugenia "China" Suárez dans Linda

Un(e) inconnu(e) énigmatique s'immisce au sein d'une famille bourgeoise, dont chaque membre va ressentir une attirance sexuelle irrésistible pour lui/elle : on ne parle pas ici de Théorème de Pier Paolo Pasolini, ni même de The Visitor [+lire aussi :
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de Bruce LaBruce, mais du premier long-métrage de Mariana Wainstein, Linda [+lire aussi :
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. La prémisse repose sur la même idée, mais son traitement infiniment plus timide, d'autant que le film se tient à l'écart de toute velléité flashy et peu fine d'ébaucher le genre de satire sociale de classe qu'on trouvait dans Saltburn [+lire aussi :
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(un peu similaire, d'une certaine manière) et s'attarde longuement sur les dynamiques familiales à l'oeuvre. Linda, dont le scénario a sept auteurs dont Wainstein, a fait sa première mondiale dans la section Discovery de Toronto.

Linda (Eugenia “China” Suárez), une jeune femme fascinante sans chercher à l'être qui, avec ses cheveux longs et ses traits ténébreux, renvoie à ce que le regard masculin typique associe à la "femme fatale", reprend en son absence le travail de domestique de sa cousine et se retrouve dans le foyer d'une très riche famille argentine (qui connaît Colin Farrell, c'est dire !). Les deux parents, Luisa (Julieta Cardinali) et Camilo (Rafael Spregelburd), et leurs enfants adolescents, Matilda (Minerva Casero) et Ceferino (Felipe Otaño), sont très vite séduits par elle, avant tout pour des raisons physiques.

On en sait à peine plus sur le personnage éponyme que sur le visiteur de Pasolini (seulement qu'elle a une fillette qu'elle a laissée dans sa ville natale, San Juan), mais une force divine à laquelle il est fait allusion est par ailleurs à l'oeuvre. De fait, Linda n’est pas juste "Linda" : son nom vient de la légende catholique argentine de Deolinda Correa, qui aurait donné la vie même dans la mort, car on l'a trouvée morte tandis que son bébé, miraculeusement, continuait de lui téter le sein. Si la famille la perçoit comme une jolie petite chose un peu mystérieuse, la perception qu'a Linda d'elle-même est tout à fait différente, même si elle est très consciente que son apparence lui vaut une attention qu'elle ne recherche pas.

Le désir sexuel imprègne toute la maisonnée où Linda vaque quotidiennement à ses tâches, avec un certain dédain (surtout par rapport à Camilo et Ceferino), mais en profitant aussi du pouvoir que la famille lui donne par sa concupiscence. Cependant, ce qui pourrait être un récit d’avertissement avec énormément plus de sel qui interrogerait le désir, l'hétéronormativité et les dynamiques de pouvoir et de classe, devient une leçon assez classique sur le fait qu'il faut respecter autrui, surtout quand ils sont dans une position de pouvoir. Linda prend beaucoup moins de risques qu’il ne le promettait, et c'est au spectateur de remplir les espaces blancs avec des fragments du désir exprimé à l'écran (une fragrance qu'on renifle sur un cou, une main posée sur une épaule), particulièrement entre Linda et les deux personnages féminins qui, au bout du compte, sont ceux qui la traitent le mieux.

Wainstein, bien soutenue par le beau travail du chef opérateur Marcos Hastrup, établit très clairement la distinction entre le désir de l'héroïne et les attitudes de convoitise qui sont projetées sur elle, reflétant ainsi délicatement sa perspective. Linda est soit investie intimement (à travers des plans  très rapprochés), soit visuellement et émotionnellement distante de ceux dont elle ne souhaite pas être proche. Elle part aussi vite qu’elle est arrivée, ne laissant aucune trace (visible) de son passage autre que quelques souvenirs, et Wainstein laisse le spectateur résoudre comme il l'entend le mystère de ce qui pourrait se passer ensuite.

Linda a été produit par Pampa Films (Argentine), Gloriamundi Producciones (Espagne) et Bourke Films (Argentine). Les ventes internationales du film sont gérées par Meikincine Entertainment.

(Traduit de l'anglais)

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