SAN SEBASTIAN 2024 New Directors
Critique : Bagger Drama
par Cristóbal Soage
- Le Suisse Piet Baumgartner relate avec sensibilité et sincérité le deuil d'une famille de travailleurs après la mort tragique d'une fille

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fiche film], le premier long-métrage de fiction du Suisse Piet Baumgartner, sélectionné dans la section New Directors du Festival de San Sebastian, s'ouvre sur l’image d’un ciel bleu et lumineux traversé par deux pelles d'excavation qui se livrent à une espèce de danse aussi étrange qu'émouvante. C’est une manière superbe de nous introduire dans le quotidien de la famille qu’on va suivre ici. Elle se compose d’un père, d’une mère et de leur jeune fils. Ils travaillent tous les trois dans un magasin de location et réparation de pelleteuses et autres engins de chantier et sont encore sous le choc de la mort de leur fille, et soeur.
Cette perte tragique et les difficultés de cette petite famille pour arriver à survivre, tout en portant le poids du deuil, sont présentes tout au long du film, mais loin de se repaître de la situation et d'en souligner outre mesure l’élément dramatique alors qu'elle est déjà suffisamment tragique en elle-même, Baumgartner choisit de mettre l’accent sur la manière dont chaque membre de cette famille va se reconstruire. Cela passe par la nécessite de faire face à des émotions enfouies depuis longtemps qui, une fois ressorties au grand jour, modifient complètement les rapports existant entre eux. Le manque de communication entre les parents et leur fils, mais aussi au sein d'un mariage qui n'est peut-être pas aussi fort que la blessure qui menace de le briser, est le détonateur de tous les conflits que le film dépeint avec sagacité et une belle sensibilité. Tous trois souffrent, tous trois essaient de trouver des forces alors qu'ils n'en ont plus, pour continuer d’aller de l’avant, et tous trois font des erreurs. La plus grande qualité du film est sans doute le brio avec lequel il rend compte de la complexité émotionnelle de ses personnages. Sans manichéisme, sans tours de passe passe, Bagger Drama touche à l’amour profond qui existe manifestement dans cette famille, mais le film dépeint aussi les sentiments moins vertueux qui amènent ces trois êtres perdus et désorientés à faire du mal aux personnes qui comprennent le mieux leur douleur : eux-mêmes.
Le film se déploie avec simplicité et fluidité. Les rouages de ce drame sont abordés sincèrement et intelligemment, de sorte que spectateur reste attentif jusqu'au bout à l’évolution des personnages, pour lesquels on ne peut pas ne pas avoir de l’empathie – en très grande partie parce que la caméra de Baumgartner a une capacité étonnante à saisir les détails de l'environnement dans lequel ils évoluent. Les machines, le navire industriel, le fleuve et son paysage : tout cela se conjugue pour donner lieu à des images d’une grande beauté, avec une immense capacité évocatrice. Le meilleur exemple de cela est un moment de paroxysme émotionnel qui coïncide avec une chorégraphie de pelles d'excavation qui se balancent dans l’air. On est impressionné de voir comme le film parvient à transmettre toutes ces émotions profondes à travers les mouvements de ces énormes machine sans cœur. Alors que du coeur, nos personnages en ont à revendre, de même que les comédiens qui les incarnent, qui font ici un travail remarquable : Vincent Furrer dans le rôle du fils, Phil Hayes dans celui du père et tout spécialement Bettina Stucky dans celui de l'adorable mère de cette famille nous offrent trois interprétations dignes de tous les éloges et difficiles à oublier.
Bagger Drama a été produit par la société suisse Dschoint Ventschr Filmproduktion AG.
(Traduit de l'espagnol)
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