SAN SEBASTIÁN 2024 Compétition
Critique : Le dernier souffle
par Fabien Lemercier
- Costa Gavras réussit à signer un film quasiment solaire, entre tragicomédie pédagogique et conte philosophique rugueux de vérité, sur le sujet éminemment délicat de la fin de vie

"J’aime la vérité". À l’instar d’un des deux personnages principaux de son nouveau film, Le dernier souffle [+lire aussi :
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fiche film], présenté en compétition au 72e Festival de San Sebastián, Costa Gavras a tout au long de sa très prolifique carrière de cinéaste fait preuve d’une volonté indiscutable de dévoiler, voire de dénoncer des situations cruelles (dictatures avec L’Aveu, Z, État de siège ou encore Missing, extrême-droite avec La Main droite du diable, Occupation dans Section spéciale, chômage dans Le Couperet [+lire aussi :
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fiche film], inaction papale dans Amen, ultralibéralisme inflexible dans Adults in the Room [+lire aussi :
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fiche film], etc.), tout en insufflant tant que faire se peut un esprit de résistance. Mais cette fois, en adaptant le livre de Claude Grange et Régis Debray, Le dernier souffle : accompagner la fin de vie, le réalisateur s’attaque en fiction à très forte partie avec l’inexorabilité de la mort, une "situation inhumaine à méditer" afin de "rendre l’inacceptable supportable".
Apprendre, comprendre, voir, écouter, questionner : la réalité de l’approche imminente de la mort est un brûlant sujet de société ("personne ne veut croire à sa propre mort et personne ne veut l’étudier"), tout particulièrement dans les pays occidentaux dans lesquels le vieillissement des populations est exponentiel. "Que faites-vous de vos vieux ? Vous les enfermez dans des boites avec d’autres vieux qu’ils ne connaissent pas" constate un médecin sénégalais de passage dans le film. Allant à contre-courant de la médecine curative pour qui la mort est un échec, un point de vue allant souvent de pair avec de l’acharnement thérapeutique ("on continue des traitements délétères pour faire plaisir aux patients et aux familles") et la non-information des principaux intéressés sur leur état, le docteur Augustin Masset (Kad Merad) met au cœur de son unité de soins palliatifs la célébration et le respect de la personne en fin de vie. Et sa rencontre avec Fabrice Toussaint (Denis Podalydès), un écrivain philosophe personnellement sensibilisé au sujet (une petite tache noire a été repérée récemment par une IRM de son cerveau) va lui donner l’occasion d’expliquer en détail comment "aider le vivant à mourir".
Mêlant l’expérience du praticien et les réflexions philosophiques ("rende l’âme, mais à qui ?") à travers plusieurs récits en flashback ou des consultations in situ au chevet des mourants, le film navigue entre un corpus documentaire sous-jacent totalement organique (prise en compte des souffrances physiques et psychiques, réalisme rugueux de vérité explorant le moyen de traverser le plus humainement possible ce qui sépare le déni de l’acceptation du "départ"), et une représentation fictionnelle permettant d’instaurer une distance bienveillante et d’éviter le voyeurisme et l’excès de pathos, ce qui n'empêche pas l’émotion de percer inévitablement par instants. Très solidement interprété par ses deux sympathiques et empathiques acteurs principaux et par d’excellents seconds rôles (Marilyne Canto, Charlotte Rampling, Karin Viard, Hiam Abbas, Agathe Bonitzer, Ángela Molina, Françoise Lebrun), Le dernier souffle se positionne avec beaucoup de clarté comme une œuvre ouverte au plus large public possible afin de transmettre un message d’humanité en faveur de la décision individuelle et de la quête de l’apaisement sans nier l’implacable vérité : car dans" fin de vie", il y a aussi "vie".
Le dernier souffle a été produit par KG Productions. Playtime pilote les ventes internationales.
Galerie de photo 25/09/2024 : San Sebastian 2024 - Le Dernier Souffle
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© 2024 Dario Caruso for Cineuropa - @studio.photo.dar, Dario Caruso
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