email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

SAN SEBASTIAN 2024 Séances spéciales

Critique série : Yo, adicto

par 

- L'Espagnol Javier Giner présente une série courageuse et irrésistible adaptée de son roman autobiographique

Critique série : Yo, adicto
Oriol Pla dans Yo, adicto

Javier Giner, un attaché de presse réputé dans le secteur de l'audiovisuel espagnol, décide à 30 ans de se faire interner volontairement dans un centre de désintoxication. Dans un moment extrêmement sombre, après avoir touché le fond, il prend la décision, mu par un instinct de survie désespéré, de demander de l'aide à des professionnels. Il l'ignore encore, mais cette décision va profondément changer sa vie. Voilà l’histoire que raconte Yo, adicto [+lire aussi :
bande-annonce
fiche série
]
, une minisérie en six épisodes réalisée par Giner lui-même avec Aitor Gabilondo (l'autre co-créateur de la série) et Elena Trapé, au scénario de laquelle ont aussi participé Alba Carballal et Jorge Gil Munárriz, à partir du roman du même nom de Giner. Ce travail a été présenté au 72e Festival de San Sebastian, parmi les séances spéciales.

La série, dont le rôle principal a été confié à un impressionnant Oriol Pla (qui livre ce qui est sans doute sa meilleure interprétation à ce jour), raconte à partir de l’autofiction, sans fard, la chute et la difficile réhabilitation, guérison et réconciliation avec lui-même de son héros qui, après une longue phase de désintoxication, est parvenu à sortir de l’enfer de l’addiction aux drogues et à l’alcool. Le point de départ, où l'auteur se dépeint lui-même comme un type avec un comportement clairement narcissique, égocentrique et despotique et où il creuse certains des épisodes les plus obscurs de sa vie, est un des grands atouts de la série parce qu'à partir de là, Giner parvient à aller bien au-delà et à parler de tout ce qu’il y a derrière cette personne qui aurait pu nous sembler antipathique à première vue : de la profonde tristesse et de la solitude, l'autodestruction, l'insatisfaction, les vides, les obsessions, les carences et les traumatismes (souvent hérités) qui se cachent sous ces dehors et, partant, des masques que nous portons tous, des crises que nous traînons souvent avec nous et que nous ne savons presque jamais gérer jusqu’à ce qu’elles éclatent et qu'on demande de l'aide, ou qu'on les renferme pour toujours en nous. Parce que comme quelqu'un le dit dans un épisode révélateur, au fond, tout cela n'est pas qu'une histoire de drogue : la série parle d'apprendre à vivre, et de la faire avec n’importe quel type d’addiction, de maladie ou de traumatisme.

Cette décision de raconter l’histoire comme une histoire de survie plutôt que comme l'histoire d'un combat finalement remporté est une des autres grandes forces de la série. Giner parvient à trouver un équilibre compliqué et à raconter à la première personne un pan très douloureux de sa vie, en évitant toute complaisance, moralisme, victimisation, sentimentalisme et toute phrase de développement personnel facile et en évoluant entre différents registres compliqués, du drame psychologique (parfois teinté d'horreur) au récit plein de délicatesse émotionnelle non dépourvu d'un certain humour noir. Le créateur se dénude et nous emmène dans ses abîmes, en sachant quand être cru et quand être prudent, sous l'angle d'un réalisme honnête, fort et simple à la fois (dans son fond comme dans sa forme) qui se tient à l'écart de la curiosité malsaine et l’artifice superflu.

Le résultat est une fiction qui parvient à transcender ce "Je" du titre et à raconter à partir de cette intimité, de manière très authentique et singulière, une histoire qui s'avère être universelle et arrive même à aborder des terrains peu explorés dans l’audiovisuel. Yo, adicto est une série aussi dévastatrice que courageuse, et par moments très belle, un voyage de l’obscurité à la lumière qui, à partir de ce tableau de la maladie qu'est n’importe quel type d’addiction, dit que nous sommes beaucoup plus que le pire ou le meilleur que nous avons pu faire dans notre vie. C'est certainement une série pleine de personnalité, qui révèle un créateur aussi intéressant que brave.

Yo, adicto a été produit par Disney+ España (Star) en collaboration avec Alea Media. En Espagne, elle sera diffusée sur Disney+.

(Traduit de l'espagnol)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy