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NAMUR 2024

Critique : Le Quatrième Mur

par 

- David Oelhoffen s’empare du roman de Sorj Chalandon et jette un éclairage plus d’actualité que jamais sur la fatalité de la guerre au Proche-Orient, et le rôle du théâtre dans les conflits humains

Critique : Le Quatrième Mur
Laurent Lafitte dans Le Quatrième Mur

Le Quatrième Mur [+lire aussi :
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, cinquième long métrage du réalisateur français David Oelhoffen, adapté du roman éponyme à succès de Sorj Chalandon, Prix Goncourt des Lycéens en 2013, a été présenté en compétition au Festival International du Film Francophone de Namur. Le cinéaste semble friand d’adaptation, puisque Loin des hommes [+lire aussi :
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était déjà une adaptation d’une nouvelle d’Albert Camus (L’Hôte), tandis que Les Derniers hommes était une transposition du roman d’Alain Gandy Les Chiens Jaunes. Il s’attache ici à transcrire au cinéma la partie libanaise du livre de Chalandon.

Le film débute dans le fracas de la guerre, on suffoque auprès de Georges, Français courant sous les tirs d’un conflit qui n’est pas le sien, vite acculé et rappelé à ses souvenirs, qui nous ramènent un an plutôt, en 1982, alors qu’à la demande d’un ami metteur en scène, il débarque à Beyrouth pour monter l’Antigone de Jean Anouilh. Antigone sous les bombes. Alors que les communautés se déchirent sur le territoire libanais et à ses frontières, Georges ambitionne de les rassembler le temps d’une trêve théâtrale, quelques heures suspendues sur la ligne de démarcation, où chaque comédienne, chaque comédienne, qu’il ou elle soit palestinien, chrétien, Druze, chiite, sunnite, chaldéen ou arménien, sera invité à déposer sa religion au pied de la scène pour livrer sa performance, et en passant, sa lecture d’Antigone, héroïne de la Grèce antique déjà revisitée en pleine seconde guerre mondiale par Anouilh.

C’est une gageure d’envergure, que de demander à des populations qui manquent de tout, dont les enfants tombent sous les bombes, dont les illusions se sont dissoutes dans les promesses des politiques que de suspendre les rancœurs et les haines le temps d’une représentation. Et une naïveté d’une plus grande envergure encore que d’espérer que la guerre attendra la fin du dernier acte. C’est peut-être aussi un aveuglement. Le film d’ailleurs, comme le livre, joue de ce motif. A deux reprises, Georges le Français est interpellé par des civils, notamment dans le camp de Chatila: "Regardez, et parlez-en." Pourtant on s’interroge sur ce qu’il refuse de voir, jusqu’à être littéralement aveuglé.

Incarné avec justesse par un Laurent Lafitte qui convainc quand il s’agit de transmettre l’évolution de son personnage, d’une certaine forme d’attentisme à une hubris qui sied à la tragédie en train de se déployer, Georges - et David Oelhoffen, à la suite de Sorj Chalandon -, nous pousse dans nos retranchements quand il s’agit de penser le rôle de l’art en temps de guerre, à la fois comme réceptacle des passions tristes et héroïques, mais aussi comme une certaine forme de vanité. On cherche à comprendre avec lui, il est aussi notre regard, parfois aveuglé, sur une situation qui nous dépasse, et dont l’écho entamé dans le film en 1982 résonne encore aujourd’hui, malgré les années passées. Le quatrième mur est le mur imaginaire qui au théâtre sépare la scène du public, et que franchissent parfois les acteurs pour s’adresser directement au public. Dans le film, Georges comprend un peu tard que parfois, c’est la réalité qui franchit ce mur pour s’inviter sur la scène.

Le Quatrième Mur est produit par Eliph Productions (France), Rhamsa Productions (France), Move Movie (France), Amour Fou Luxembourg et Panache Productions (Belgique). Le film sortira le 15 janvier prochain en France (distribué par Le Pacte, qui gère aussi les ventes internationales) et en Belgique (par Anga Distribution).

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