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SITGES 2024

Critique : Una ballena

par 

- Pablo Hernando se confirme comme une des voix les plus singulières du nouveau cinéma espagnol avec un néo-noir de science-fiction interprété par une séduisante Ingrid García-Jonsson

Critique : Una ballena
Ingrid García-Jonsson dans Una ballena

Quand Ingrid (incarnée par une Ingrid García-Jonsson très expressive) appuie sur la gachette, ses victimes ne savent pas qui leur a tiré dessus. Sa capacité à s’infiltrer puis à disparaître sans laisser de traces fait d'elle une tueuse à gages sans merci. Cependant, ce pouvoir procède de sa connexion étrange avec un autre monde, un monde habité par des créatures marines monstrueuses qui, tout en lui conférant des capacités spéciales, la dépouille peu à peu de son humanité. Voilà l’intrigue mystérieuse d'Una ballena, le nouveau film de Pablo Hernando (une des voix les plus intéressantes de ce qu’on appelle "l’autre cinéma espagnol", à laquelle on doit des films singuliers comme Cabás, Berserker [+lire aussi :
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, écrit et réalisé avec Juan Cavestany et Julián Génisson), dont la troupe comprend aussi Ramón Barea, Kepa Errasti et Asier Tartás. Le film a été présenté au Festival de Sitges.

Una ballena est de ces films qu’il vaut mieux découvrir sans rien en savoir avant. Le film, situé au croisement entre film noir, science-fiction et épouvante cosmique, parle d’un monde que nous ne voyons pas et ne pouvons pas du tout expliquer, de l’invisible et inaudible, des zones d’ombre qui existent en chacun de nous, de l’impossibilité de connaître qui que ce soit complètement, de la lutte entre homme et animal, du monstrueux, de la présence du fantomatique et de l’extraordinaire dans la réalité, ainsi que du passage du temps et de la solitude, de ce qui fait qu'on devient qui on est, du poids du passé sur le présent et l'avenir, d’un monde qui disparaît.

Pablo Hernando explore tout cela de manière inventive, suggestive et mystérieuse, plus à travers ce qui n’est pas dit que ce qui est dit, laissant les images parler et évoquer des idées, des émotions, des états d'âme. C’est là une des grandes forces du film. Le réalisateur s’aventure dans le genre noir (dans un jeu intéressant qui mélange des références nettes au polar Le Samouraï de Jean-Pierre Melville avec l'imaginaire du Herman Melville de Moby Dick) à travers une combinaison audacieuse et originale avec le genre cinéma d’épouvante (avec parfois une touche de couleur locale qui renvoie à d’autres spécimens de ce cinéma espagnol des marges). Le résultat est une oeuvre dont forme la sombre parle de ce mystère qui la parcourt tout du long, un film qui sait jouer avec la liberté que permet le cinéma de genre, les possibilités de l'approche symbolique (les métaphores qu'offre le monde marin sont très présentes), l'imagination, le son, le ton, les couleurs, les textures et le hors-champ. Hernando vise juste avec sa mise en scène austère, ténébreuse et énigmatique, mais en même temps d’une certaine beauté, et parvient à livrer des images visuellement puissantes qui rendent bien cette mer dont nous ne pouvons jamais complètement scruter les profondeurs.

Una ballena est un néo-noir courageux et plein de personnalité qui représente un pas en avant de plus pour Pablo Hernando, un film aussi cryptique que magnifique, voire parfois hypnotisant. Une de ses plus grandes réussites est peut-être cette capacité à jouer avec la beauté, la terreur, la liberté du mystère et l'imagination du spectateur, et à laisser chacun interpréter à sa guise et attribuer la signification qu'il veut à ce qu'on voit à l’écran. C’est certainement un film qui confirme qu'Hernando est bel et bien un des cinéastes les plus singuliers du cinéma espagnol actuel.

Una ballena est une coproduction entre l’Espagne et l’Italie qui a réuni les efforts de Señor & Señora, Orisa Produzioni et Sayaka Producciones. Les ventes internationales du film sont gérées par Latido Films. En Espagne, il sera distribué par Elastica Films.

(Traduit de l'espagnol)

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