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LONDRES 2024

Critique : Blitz

par 

- Ce film au coeur sur la main de Steve McQueen reconstitue un moment charnière de la Seconde Guerre mondiale en Grande-Bretagne

Critique : Blitz
Saoirse Ronan et Elliott Heffernan dans Blitz

Répondant au critique Jonathan Rosenbaum à Toronto en 1996, Jean-Luc Godard a décrit, amèrement, Jane Campion comme une cinéaste talentueuse "complètement détruite par l’argent". Ce n''est pas le premier commentaire provocateur qu'ait formulé Godard, mais on sait que les productions indépendantes manquent toujours de fonds, et quels sacrifices il faut faire pour économiser le moindre centime. Alors que se passe-t-il quand un réalisateur habitué à la frugalité se voit proposer assez d'argent pour remplir une chambre forte de la Silicon Valley, en sachant que cela lui permet d'exaucer tous ses rêves visuels et d'exécuter les plans les plus acrobatiques ?

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À présent, à l’ère des films "de plateformes" produits par Netflix et Apple (où les budgets des longs-métrages sont gonflés à bloc pour attirer de potentiels abonnés, sans s’appuyer sur les retours au box-office), voilà que Blitz [+lire aussi :
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de Steve McQueen fait sa première mondiale au Festival BFI de Londres. Le film précédent du cinéaste oscarisé et lauréat du Prix Turner, Occupied City [+lire aussi :
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, offre un précieux point de comparaison : les deux films explorent la manière dont deux capitales, respectivement Amsterdam et Londres, ont fait face aux attaques des nazis pendant la Seconde Guerre mondiale, mais si le documentaire était éprouvant, d'une précision chirurgicale et très minimaliste, le long-métrage de fiction fonce à toute allure et devient incontrôlable.

McQueen a fait des merveilles dans le champ du drame carcéral formaliste et bressonnien (Hunger [+lire aussi :
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), de la télévision prime time (Small Axe) et des travaux plus courts destinés aux espaces d'art contemporain. Pourquoi ne pas lui accorder la possibilité de reconstituer ce que la mythologie de son pays présente comme un de ses moments les plus glorieux : celui où il a résisté à la blitzkrieg menée par la Luftwaffe entre septembre 1940 et mai 1941 ? Le cinéaste parvient en partie à ses fins en concevant Blitz comme une préquelle spirituelle à Small Axe, qui permettait d'observer comment la communauté noire de Londres a fait face et la discrimination dont elle a continué de faire l’objet dans ce moment triomphaliste, à grands coups de soupçons et d'abus racistes constants, tandis que l’esclavage et l'Émpire britannique étaient portés aux nues, comme le montre brutalement une fresque de Covent Garden que voit le jeune héros de son nouveau film, George (Elliott Heffernan). Hélas, à cet élan pédagogique louable fait pendant une pure envie de grand spectacle : McQueen nous immerge aussi dans le feu et la fureur des bombardements aériens  cherchant la catharsis dans un triomphe contre l'adversité qu'il recrée avec candeur, nous invitant de nouveau à célébrer la victoire d’ensemble de la Grande-Bretagne pendant la Seconde Guerre mondiale, comme de nombreux autres films britanniques l’ont fait par le passé. Quand une canalisation percée se met à bombarder d'eau les civils qui s'abritent dans la station de métro London Bridge pendant un raid aérien nocturne, on a grand peine à réprimer le souvenir du Titanic de James Cameron et, soudain, le film de McQueen fait l'effet d'une simple démonstration de brio technique.

Le fil rouge de l'intrigue est par ailleurs trop manipulateur. McQueen fait une erreur de calcul en essayant de rendre sa grande œuvre nationale digeste pour tous les âges. Dramatiser un événement colossal qui a affecté tout un peuple plongé dans la guerre est un challenge que les scénaristes hollywoodiens savent relever, pour d'énormes dividendes potentiels. McQueen fait en sorte qu’on espère que le personnage de Rita Hanway joué par Saoirse Ronan (en référence au cinéma des années 1940 – “Katharine Holborn” n'était-elle pas disponible ?) va retrouver son cher George, après qu'il est arrivé à s'échapper d'un train dans lequel il est monté contre son gré et qui allait l'évacuer à la campagne. George détale et parvient à regagner Londres plus tôt qu'on ne l'attendrait, après quoi il se retrouve dans différents pétrins peu plausibles, comme un aspirant-gamin des rues à la Dickens qui aurait loupé le coche.

Les récits articulés autour de jeunes enfants sont capitaux pour présenter prudemment la notion de guerre aux jeunes générations, et les petits pourraient bel et bien être fascinés en découvrant Blitz en famille, quand il arrivera sur Apple TV, à la fin novembre, mais n’importe qui d'autre avec plus de bouteille regrettera, surtout s'agissant d'événements historiques de cette ampleur, la méticulosité et l'absence de sentimentalisme qui caractérisent généralement McQueen.

Blitz est une coproduction entre le Royaume-Uni et les États-Unis qui a réuni les efforts de New Regency Productions, Working Title Films, Lammas Park, Walden Media et Apple Studios. La distribution mondiale du film est gérée par Apple TV+.

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(Traduit de l'anglais)

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