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SÉRIES / CRITIQUES Royaume-Uni / Mexique / États-Unis

Critique série : Disclaimer

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- La deuxième incursion d'Alfonso Cuarón dans le format série, interprétée par une captivante Cate Blanchett, est, émotionnellement, un drôle d'oiseau qu'il faut voir en entier pour l'apprécier

Critique série : Disclaimer
Cate Blanchett dans Disclaimer

"Ta conviction erronée que tu as droit au silence t’a condamnée", proclame une augurale narratrice désincarnée (Indira Varma) dans la minisérie Disclaimer d'Alfonso Cuarón, que le réalisateur a divisé en sept épisodes de pur tumulte psychologique, pour ses personnages comme son public. Les deux premiers épisodes de la série viennent d'être rendus accessibles en streaming sur Apple TV+, après avoir été projetés à Venise, à Toronto et au Festival BFI de Londres. C’est la deuxième série de Cuarón après la série américaine surnaturelle Believe (2013-14 – elle n'a pas duré plus d'une saison), qu'il a co-créée, et cette fois, il va tout droit à la jugulaire, transposant à l'écran le best-seller pulp de Renée Knight du même nom, en utilisant les outils cinématographiques qu’il connaît le mieux. Le réalisateur mexicain livre ainsi une série-film singulière, remplie à ras bord de passages frustrants comme de moments palpitants, ce qui finit par payer au dernier épisode – quant à savoir si le parcours qui mène à cela en vaut la peine, les réponses vont varier.

Catherine Ravenscroft (Cate Blanchett) est une journaliste reporter réputée qui s'est fait un nom en révélant des vérités désolantes sur des personnes et des institutions partout dans le monde, de sorte que quand un roman se retrouve au seuil de sa porte qui prétend révéler son plus grand secret, Catherine panique. Ce que contient le livre lui aliène son mari collet monté Robert (Sacha Baron Cohen, qui livre une nouvelle interprétation surprenante après Les Sept de Chicago) tandis que l'homme qui a publié le livre, Stephen Brigstocke (Kevin Kline), a l’intention de placer Catherine face à ses responsabilités pour les actes qu'elle a commis en détruisant tout ce qu'elle a de cher dans la vie. La troupe de la série comprend aussi Lesley Manville dans le rôle de Nancy, la femme de Stephen, Nancy, Louis Partridge dans celui de leur fils Jonathan Brigstocke et Kodi Smit-McPhee dans celui du fils de Catherine, Nicholas.

Cuarón, qui a écrit et réalisé tous les épisodes, à l'amabilité de ne pas attendre avant d'abattre le marteau de la justice sur Catherine. Disclaimer, porté par l'interprétation impeccable de Blanchett, oscille entre drame familial accessible et thriller de vengeance excentrique pour dépeindre la dislocation d'une famille anglaise néobourgeoise. La narratrice, qui parle à Catherine à la deuxième personne, indique que la société de Robert est en partie dédiée à utiliser ses filiales à but non lucratif pour échapper aux lois contre le blanchiment d’argent. Cependant, l’intrigue de la partie thriller de la série frise souvent le kitsch et le peu crédible, une impression exacerbée par la prestation étonnamment ringarde de Kline dans le rôle du méchant.

On sent la patte de Cuarón dans ses différentes expressions tout au long de la série, qui se réchauffe un peu dans le troisième épisode, chargé d'érotisme (le réalisateur contracte ici les muscles qu’il avait bien travaillés avec Y tu mamá también), jusqu'au très angoissant cinquième épisode, soigneusement confectionné, comme les frissons simples mais efficaces de Gravity [+lire aussi :
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. Dans les premiers épisodes, Robert apparaît même seul, filmé de loin à travers un zoom rapide, dans un style de faux documentaire, alors qu'il commence à craquer, mais heureusement, ce choix qui jure avec le ton du reste ne se reproduit pas. La ligne temporelle actuelle du film baigne dans un gris aseptisé, et souvent une photographie voyeuriste, tandis que le passé est rendu incroyablement vivant, avec une palette de teintes chaudes, par un Cuarón impertinent et personnel dans sa manière de cadrer ses acteurs. Ceci est accentué par l’interprétation séduisante de engageante de Leila George dans le rôle de la jeune Catherine – qui est qui plus est une sorte de Catherine de fantasme.

Le réalisateur maîtrise bien les méthodes et symboles utilisées dans le format série pour les transitions entre les épisodes, quoiqu’il les utilise parfois de manière trop évidente, comme lors de la séquence de la tête de poisson qu'on tranche, celle du cafard qui étouffe lentement sous une tasse et celle de la rencontre avec un renard. Une musique orchestrale tendue et pleurnicharde composée par Finneas O’Connell accompagne l'état mental du personnage stupéfait qu'incarne Blanchett jusqu'aux toutes dernières secondes de la série : indéniablement, Disclaimer n'est jamais ennuyeux.

Cela dit, bizarrement, les ruptures entre les épisodes ne donnent pas toujours envie au spectateur d’en voir plus. Il peut même se sentir frustré ou avoir une réaction de rejet et franchement, on ne jettera pas la pierre à ceux qui ne voudront pas finir la série. De fait, Disclaimer a du mal à soutenir sur la durée le poids de son propre message dévastateur, et le spectateur est grosso modo forcé de tenir jusqu’au dernier épisode s'il veut comprendre les montagnes russes émotionnelles dans lesquelles Cuarón souhaite nous embarquer. Ce faisant, il met en avant les dangers de la surnarration et de la pensée de groupe sans pensée critique, et n'analyse qu'en deuxième lieu le piège que la société réserve aux femmes : quoiqu'elles disent ou ne disent pas, elles sont automatiquement traitées comme des méchantes.

Disclaimer a été produit par la société de Cuarón, Esperanto Filmoj (Mexique), et Anonymous Content (Royaume-Uni). La série est diffusée sur Apple TV+.

(Traduit de l'anglais)


Galerie de photo 29/08/2024 : Venice 2024 - Disclaimer

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Alfonso Cuarón, Cate Blanchett
© 2024 Isabeau de Gennaro for Cineuropa @iisadege

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