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VARSOVIE 2024

Critique : Ink Wash

par 

- Ce premier long de Sarra Tsorakidis, sur une peintre préoccupée par la quarantaine et son avenir, pendant un travail dans la forêt roumaine, est un peu trop contemplatif pour son bien

Critique : Ink Wash
Ilinca Harnut dans Ink Wash

Dans son premier long-métrage, Ink Wash [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]
, qui a fait sa première dans la section Discovery de Toronto avant de rallier la compétition 1-2 du 40e Festival de Varsovie, Sarra Tsorakidis relie la crise de quarantaine de son héroïne et le tumulte que vit son pays, la Roumanie. Lena (incarnée par Ilinca Harnut, qui a aussi coécrit le scénario avec Tsorakidis) est une peintre proche de la quarantaine qui essaie de tourner la page après une rupture difficile. Très tôt dans le film, on la voit avec ses amis (notamment son ex et sa nouvelle petite amie, plus jeune), tous artistes, tous réunis autour d’une table après un vernissage. Ils plaisantent, non sans cynisme, sur toutes les difficultés auxquelles ils sont confrontés pour travailler et vivre en Roumanie, discutent des problèmes moraux liés au concept de nomade numérique (se référant à quelqu’un qui travaille à distance dans un endroit où la vie est moins chère pour lui, mais ce faisant fait monter les prix pour les locaux) et se moquent d’un vieux philanthrope local qui achètent leurs œuvres mais se fiche clairement de l’art lui-même. Si le ton est léger, les vérités qu’ils évoquent sont assez déprimantes, et ce regard franc sur sa société inscrit le film de Tsorakidis dans la tradition du réalisme social à la roumaine. La caméra reste principalement sur Lena, qui sourit tranquillement tout du long, mais quand son ex et sa partenaire annoncent qu’ils attendent un enfant, elle n'y tient plus et rentre chez elle avec un type. Elle commence à en avoir assez.

Le premier acte est le plus bavard dans Ink Wash, qui se passe principalement dans un grand hôtel en cours de rénovation situé au cœur de la forêt roumaine. Avant de quitter le pays pour de bon, Lena reçoit une commande : elle doit peindre les murs de ce bâtiment brutaliste, nouvellement géré par Norvégien plus ou moins du même âge qu'elle qui s'appelle Asger (Kenneth M Christensen) et qui travaille pour des investisseurs allemands. Dans cet espace vide entouré d'une forêt magnifique, Lena a beaucoup de temps pour penser, et Tsorakidis laisse sa caméra tourner longuement pour qu'on observe bien son héroïne tandis qu’elle explore son environnement, tout simplement, ou pendant qu'elle peint. Cependant, inévitablement, les quelques autres personnes présentes dans les lieux se mettent à avoir un impact sur Lena, impact que la réalisatrice nous présente avec énormément de prudence. Notre artiste se lie d’abord à Roni (Radouan Leflahi), un jeune réfugié syrien qui devient son assistant et lui parle de la vie difficile qu'il a eue jusqu'ici ainsi que de son futur incertain – beaucoup plus que sur le sien à elle, mais Tsorakidis ne souligne pas exagérément ce point, laissant plutôt le public le comprendre par lui-même. Ensuite, c’est Asger qui entraîne chez Lena une réflexion sur ce qu'elle attend d’une relation romantique. La corruption rampante existant dans le pays entre aussi en jeu, et Lena n’est plus tout à fait sûre que quitter le pays l’aidera. Si toutes ces questions qui taraudent la peintre sont intéressantes, Tsorakidis n'y fait que brièvement allusion, avec une retenue et une lenteur qui en sapent la force. Au lieu d'amener son film, peu à peu, vers une forme de compréhension, d'acceptation, de transcendance ou même de rejet (un personnage peut parfaitement ne pas avoir toutes les réponses), on se voit présenter un regard trop léthargique et opaque (donc frustrant) sur une femme à la croisée des chemins, submergée par toutes les contradictions de la vie moderne, par une réalisatrice qui semble elle-même trop hésitante pour dire quoi que ce soit à ce sujet. Si les idées mises en avant dans le film seraient bel et bien intéressantes à explorer, Ink Wash s'avère être moins que la somme de ses parties.

Ink Wash est une coproduction entre la Roumanie, la Grèce et le Danemark qui a réuni les efforts de Mandragora, Bad Crowd et Angel Films. Les ventes internationales du film sont gérées par la société française Shellac.

(Traduit de l'anglais)

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