Critique : La mitad de Ana
par Alfonso Rivera
- La comédienne Marta Nieto se lance dans la réalisation avec un film sincère et sensible interprété par elle, où elle brosse le portrait en clair-obscur de la mère d'un enfant trans
Marta Nieto est une des comédiennes espagnoles les plus talentueuses du moment, au théâtre et au cinéma. Elle a d'ailleurs reçu le prix de la meilleure interprétation féminine dans la section Orizzonti de Venise pour son travail dans Madre [+lire aussi :
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fiche film], qui lui a aussi valu des nominations aux Goya et aux EFA. Elle a également courageusement décidé, comme l'ont fait ou sont en train de le faire d’autres collègues (Paz Vega, Sara Sálamo ou encore Carolina Yuste), de se lancer sur le terrain tumultueux de la réalisation, tout en restant consciente de son peu d’expérience. Nieto a d'abord non seulement réalisé le court-métrage Son, comme essai pour un futur long-métrage, et postulé à des pépinières comme le D’A Film Lab Barcelona et le programme Résidences de l'Académie espagnole du cinéma, à sa première édition. La mitad de Ana [+lire aussi :
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fiche film], le résultat de ces efforts, a enfin fait sa première mondiale en compétition à la 69e Seminci de Valladolid.
Dans ce titre, l’actrice présente et interprète le personnage éponyme, Ana, qui partage son temps entre son travail comme gardienne de musée et sa fille Sonia (incarnée par Noa Álvarez), fruit de sa relation avec un Français (Nahuel Pérez Biscayart), or la fillette commence à donner des signes qu’elle ne se sent pas à l'aise avec le sexe qu'on lui a attribué à la naissance et entame un processus de redécouverte de son identité qu'accompagne Ana tout en gérant des questions de garde.
À partir de cette prémisse, Nieto livre le portrait d’une femme traquée sur plusieurs fronts, avec en toile de fond le sujet de la transsexualité infantile, c'est-à-dire qu’à travers le conflit qui suppose que son entourage social modifie son regard, binaire et réducteur, sur son enfant, elle doit elle-même commencer à observer le monde (et surtout, sa propre vie) avec des yeux neufs et pas seulement en tant que mère dévouée. On a donc affaire à une double transition, car une transition, celle de l'enfant, va en entraîner une autre, celle de la mère (qui a toujours mis de côté ses rêves, ses plaisirs et ses ambitions), pour trouver son moi le plus profond et libre.
C'est cette part d'elle, cachée à la vue comme la face sombre de la Lune, qui est "la moitié d'Ana" à laquelle se réfère le titre de ce film sincère et intimiste qui parle aussi de précarité de l'emploi, de garde partagée et du rôle salutaire de l'art pour nous aider à sortir de situations de crise.
Bien que le film coure le risque d'être comparé avec un autre titre espagnol récent, 20 000 espèces d'abeilles [+lire aussi :
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fiche film], qui traite également de la transsexualité infantile, La mitad de Ana choisit de laisser ce thème au second plan (ici, la famille accepte parfaitement le petit Son) et de souligner (en s'appuyant sur des techniques d’animation et une mise en scène privilégiant les gros plans, le flou et les reflets pour rendre compte du chaos, de la confusion et du désemparement du personnage adulte central) le besoin que nous avons tous de voir nos rêves se réaliser, au-delà de montrer le dévouement sans limites dont on est capable pour ceux qu’on aime.
La mitad de Ana est une coproduction entre l’Espagne et la France qui a réuni les efforts de Elastica, Avalon, Mr. Fields and Friends Cinema et Studiocanal (qui s’occupe aussi de ses ventes internationales du film). Le film sortira en Espagne le 13 décembre, distribué par Elastica.
(Traduit de l'espagnol)
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