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CINEMED 2024

Critique : Meat

par 

- Une petite famille d’un village grec se débat au coeur d’une spirale dostoïevskienne à la Crime et châtiment dans le solide premier long métrage de Dimitris Nakos

Critique : Meat
Kostas Nikouli dans Meat

"On n’a pas le choix. Tu sais ce qu’on doit faire et on doit le faire vite." En ouvrant son premier long métrage dans le sang d’un abattoir illégal et en enchaînant sur une très violente dispute entre deux voisins en désaccord total sur les frontières de leurs propriétés respectives, le cinéaste grec Dimitris Nakos annonce clairement la couleur : Meat [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Dimitris Nakos
fiche film
]
, dévoilé à Toronto Discovery et en compétition cette semaine au 46e Festival du Cinéma Méditerranéen de Montpellier, sera chargé de tensions nourries de matérialisme. Et de fait, un crime impulsif surgit très rapidement, enclenchant une redoutable mécanique familiale nouée autour de la question de la responsabilité et de la culpabilité dans un village où les intérêts des uns et des autres sont étroitement liés et où les rumeurs circulent très vite.

"Ça va être sauvage." Le très dominateur père de famille Takis (l’excellent Akyllas Karazisis) ne croit pas si bien dire alors qu’il prépare la fête d’ouverture prévue le lendemain d’une boucherie où il entend faire travailler son fils indolent Pavlos (Pavlos Iordanopoulos) et le fiable et dévoué Albanais Christos (Kostas Nikouli) sur lequel lui et sa femme Eleni (Maria Kallimani) veillent depuis son adolescence. Car un événement contrariant surgit en la personne du vindicatif Kyriakos, récemment sorti de prison et qui conteste les limites du terrain où Takis et les deux jeunes élèvent et abattent des moutons dans une illégalité couverte par le corrompu officier de police local Giorgos (Giorgos Symeonidis). Autant de personnages prêts à alimenter une tragédie imminente et ses conséquences : la nuit même, Pavlos tue Kyriakos venu empoisonner les bêtes et il convainc Christos ("on n’est pas des amis, on est comme des frères") de cacher le cadavre et de ne rien dire à personne. Mais évidemment, la disparition de Kyriakos ne passe pas longtemps inaperçue et une enquête démarre, mettant sous très forte pression l’ensemble de la petite famille…

Secrets, soupçons, menaces, révélations, interrogatoires, chantage, trahisons, recherche de solutions pour permettre à Pavlos d’échapper à la justice et à Takis d’éviter la honte sociale et la liquidation de ses espérances économiques : Meat décortique implacablement sur dix jours (un scénario écrit paf le réalisateur) le tumulte électrisant la famille et ramenant violemment à la surface toutes les dynamiques non-dites ("je vais trimer toute ma vie à découper de la viande ? Est-ce que tu m’as jamais demandé ce que je voulais ? - Je préfèrerais que tu ne sois jamais né"). Une intrigue aiguisée qui prend le temps de détailler les nombreux et houleux apartés typiques d’une situation aussi exceptionnelle, les échanges de regards, les coups d’éclat, les propositions malhonnêtes, etc. Sincérité et manipulation s’enchevêtrent dans une ambiance crépusculaire traversée par les manœuvres d’un père omnipotent et sans guère de scrupules (la mère se met vite au diapason) pensant pouvoir tout résoudre à coup de billets de banque et au détriment des "innocents". En découle un film "dostoïevskien" sur la filiation, le crime et le châtiment, peut-être même une parabole plus vaste sur la société grecque contemporaine, qui emprunte avec beaucoup de solidité (malgré quelques petites longueurs et un léger abus de caméra à l’épaule) le chemin du film noir de microcosme enrobé par une remarquable musique de Konstantis Pistiolis.

Meat a été produit par Fantasia Ltd et coproduit par Foss Productions.

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