Critique : Ms. President
par Martin Kudláč
- Dans ce documentaire, Marek Šulík brosse un tableau pondéré du mandat de Zuzana Čaputová, la première cheffe d'État de sexe féminin de Slovaquie

Le documentariste et monteur slovaque Marek Šulík (Heavy Hearth) observe de l'intérieur la présidence de l’avocate et militante anti-corruption slovaque Zuzana Čaputová, la première cheffe d’État de sexe féminin du pays, dans son nouveau documentaire, Ms. President [+lire aussi :
interview : Marek Šulík
fiche film]. Ce film, qui a fait l’ouverture du Festival international du documentaire de Jihlava et qui y a concouru dans la section Opus Bonum, suit tout le mandat de Čaputová, et toutes les difficultés qui se sont présentées en chemin, de l'euphorie de sa victoire aux élections à ses derniers moments au pouvoir, quand elle s'est trouvée face à un nouveau gouvernement composé de politiciens qui se sont acquis des soutiens en la critiquant ouvertement. Čaputová, figure de la réforme libérale dans une nation divisée, évolue dans un climat politique volatile, entre ses nombreux adversaires populistes, le désenchantement de la société dans son ensemble et des problèmes mondiaux urgents. Sa présidence a été semée d'embûches : cinq premiers ministres, quatre changements de gouvernement, la montée du populisme d’extrême droite. Ces pressions ont été accentuées par la pandémie de Covid-19, l’invasion de l’Ukraine par la Russie, une crise énergétique et une inflation en hausse.
Ce documentaire qui couvre cinq années est moins un compte-rendu fidèle du mandat de Čaputová qu'un aperçu des coulisses de la vie présidentielle. Le film révèle son point de vue sur des questions clefs et le chemin de pensée qui a guidé ses décisions, comme dans quelques affaires d'amnisties. L’approche de Šulík, dans la lignée de son style habituel, permet d'observer les dynamiques en jeu quand on a une charge politique. Šulík, connu pour sa patte méthodique et son intérêt pour les sujets sociopolitiques, sonde aussi souvent les tensions entre la vie des individus et les forces historiques à l'oeuvre plus généralement. Ms. President montre Čaputová en train d'affronter toute une panoplie de difficultés tandis que la pression monte de plus en plus, exacerbée par des difficultés personnelles non communiquées au public et des attaques de plus en plus virulentes de la part de ses opposants politiques et d'un public radicalisé.
Le rôle historique de Čaputová en tant que première femme à accéder à la présidence en Slovaquie, ajouté à ses responsabilités comme mère de deux filles, est un thème central dans le film. Il s'ouvre sur une saisissante révélation : peu après son arrivée au pouvoir, les médecins ont découvert que sa fille avait une tumeur au cerveau. L’attention de Šulík va au-delà de la vie politique de Čaputová : il rend compte de sa transformation personnelle sous le poids de son poste officiel. Son style est observationnel ; il reste à l’écart du sensationnalisme pour rendre de manière authentique les rythmes et réalités de la vie politique.
Compte tenu de tout ce qui s'est passé pendant le quinquennat de Čaputová, dans son pays et dans le monde, à partir des 350 heures d’images qu'il a filmées, Šulík choisit de se concentrer avant tout sur les événements locaux, sans mentionner par exemple le voyage présidentiel dans une Ukraine déchirée par la guerre. Bien que le film ait une structure chronologique, il souligne en particulier certains moments, ce qui aboutit à un récit qui fait à la fois dilué et fragmentaire. Ms. President s’appuie lourdement sur des références contextuelles, or pour le public qui connaît mal le paysage politique de la Slovaquie, les scènes choisies pourraient sembler disjointes et échouer à donner une impression de continuité, voire à bien traduire le poids des situations.
Notably, the documentary only briefly touches on the extreme situations Čaputová encountered as a female president, including the pervasive misogyny and regular death threats directed at her and her children. This gendered aspect adds a universal dimension to her story, reflecting the broader challenges of balancing motherhood and high public office—a topic of increasing relevance globally. Šulík bookends the film with scenes involving her children, underscoring the personal costs of her role. On a more intimate level, the film reveals Čaputová's Buddhist personal philosophy in maintaining composure and integrity despite multiplying attacks and rising political pressure throughout her hectic tenure. Yet the documentary presents her time as president as less contentious than it truly was, often sidestepping confrontational moments. This restrained depiction may reflect Čaputová’s say over the final cut.
Le documentaire n'aborde par exemple que brièvement les situations extrêmes qu'a vécues Čaputová en tant que présidente de sexe féminin, notamment la misogynie omniprésente à laquelle elle a dû faire face et les menaces de mort qui lui parvenaient régulièrement, adressées à elle et à ses enfants. Cet aspect genré ajoute une dimension universelle à son histoire, car il reflète combien il est difficile pour les femmes de trouver un bon équilibre entre la maternité et un poste haut placé dans l'administration – un sujet de plus en plus pertinent sur le plan mondial. Šulík commence et termine son film sur des scènes où on voit son sujet avec ses enfants, scènes qui soulignent le coût personnel de son rôle. Sur un plan plus intime, le film révèle la philosophie personnelle bouddhiste qu'applique Čaputová pour garder son sang-froid et son intégrité malgré les attaques de plus en plus nombreuses et une pression politique qui n'a cessé de croître tout au long de son chaotique mandat. Le bémol est que le documentaire présente sa présidence comme moins contentieuse qu'elle ne l'a vraiment été, éludant souvent les querelles. Ce tableau contenu tient peut-être au fait que Čaputová a eu son mot à dire sur le montage final.
Ms. President a été produit par Hitchhiker Cinema (Slovaquie) en coproduction avec Aerofilms (République tchèque), la Radio-télévision slovaque, la Télévision tchèque et filmotras (Slovaquie).
(Traduit de l'anglais)
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