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DOK LEIPZIG 2024

Critique : Valentina e i MUOStri

par 

- Francesca Scalisi suit dans ce documentaire une jeune femme qui veut s'émanciper de ses parents, dans un village sicilien sur lequel plane l'ombre d'une structure d'espionnage militaire américaine

Critique : Valentina e i MUOStri

Dans ses trois précédents moyens- et longs-métrages documentaires, tous en coréalisation, Francesca Scalisi abordait des sujets divers et variés : les microcosmes qui disparaissent dans notre monde en perpétuelle mutation (Bath People, 2015), le fait de rester chez soi même quand la maison s'écroule (Half Life in Fukushima, 2018), la situation d'une jeune femme tiraillée entre tradition et modernité, entre l’impératif d’obéir aux règles et le désir de s’affranchir (Digitalkarma [+lire aussi :
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, 2019). Son nouveau long-métrage documentaire, Valentina and the MUOSters, qui a fait sa première mondiale cette année dans le cadre de la compétition nationale de Visions du Réel (ce qui lui a valu un Prix spécial du jury) et se retrouve en ce moment au programme de la compétition internationale de DOK Leipzig, fait la synthèse des différents motifs explorés dans ses trois œuvres précédentes. Il faut aussi noter que c'est le premier travail de Scalisi en solo dans le format long-métrage.

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Le sujet éponyme du film est une femme de 26 ans qui vit chez ses parents dans son village natal : Niscemi, en Sicile. Elle n’a jamais quitté le domicile familial, jamais eu de travail, et n'a pas même le permis de conduire qui lui permettrait d'aller en voiture de la ferme familiale jusqu’au centre du village. Elle a tout de même des passe-temps, comme broder des fleurs en laine au crochet et aller dans les bois rendre visite à son vieux chêne préféré, mais elle rêve de partir et de travailler comme cuisinière. Elle a toutefois mis ses aspirations entre parenthèses pour rester auprès de ses parents âgés, qui ne cessent de la réprimander, tantôt parce que ses envies sont soi-disant trop irréalistes, tantôt parce qu’ils trouvent qu'elle manque d’ambition.

La seconde partie du titre du film est un jeu de mots autour d’un acronyme : le MUOS est un système de communication satellitaire, installé, exploité et gardé par des soldats américains, qui sert l'objectif militaire d’espionner les mouvements d’autres armées dans les pays méditerranéens et en Asie centrale et qui s'est trouvé, plus récemment, associé à une base de lancement de drones espions. Les habitants y voient cependant un danger pour leur santé, principalement en raison des puissantes ondes électromagnétiques émises par ses antennes. On entend constamment les antennes elles-mêmes : leur bourdonnement couvre les sons naturels, ce qui amène les quelques habitants qui vivent encore là à soupçonner qu’elles pourraient être responsables de toutes les sécheresses et de tous les incendies de forêt qui surviennent dans la région. Leurs protestations sont hélas toujours vaines, quelles que soient les "couleurs" politiques mises en avant par les manifestants. Valentina parviendra-t-elle un jour à se libérer de ce lieu et du rôle d’enfant éternellement maladroite que ses parents lui imposent ?

Valentina and the MUOSters fait écho à l’œuvre de deux grands maîtres contemporains du documentaire italien : Gianfranco Rosi (le portrait que brosse Scalisi d’une petite communauté prise dans la tourmente des événements mondiaux n’est pas sans rappeler Fuocoammare [+lire aussi :
critique
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interview : Gianfranco Rosi
fiche film
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) et Roberto Minervini, en particulier le corpus des films qu'il a dédiés aux personnes qui vivent dans les marges, au sud des États-Unis. La différence est que Francesca Scalisi opte pour une approche plus intime, centrée sur son personnage et son environnement proche. De fait, la photographie de la collaboratrice régulière de la cinéaste, Stefania Bona, qui adopte un format 4:3 compact, met indéniablement Valentina au premier plan, tout en tirant le meilleur parti possible d’un paysage globalement aride. Ceci étant dit, la véritable "MVP" de l’équipe est la compositrice et conceptrice sonore Olga Kokcharova, dont le travail dans ces deux départements crée une parfaite synergie bourdonnante qui nous rappelle que Valentina et sa famille se sentent constamment menacées par une situation qui dépasse largement leur capacité à y changer quoi que ce soit.

Valentina and the MUOSters est une coproduction suisse-italienne de Dok Mobile et Articolture, en coproduction avec RTS Radio Télévision Suisse. Les ventes internationales du film sont assurées par Lightdox.

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(Traduit de l'anglais)

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