Critique : B.O.Y. - Bruises of Yesterday
par Vittoria Scarpa
- Le premier long-métrage de fiction du Danois Søren Green parle des pratiques d'automutilation chez les adolescents et nous invite à ne pas laisser ces derniers seuls avec leur détresse

Solitude, automutilation, prostitution : c’est une adolescence subie, tragique même, qui est dépeinte dans le premier long-métrage du Danois Søren Green, B.O.Y. Bruises of Yesterday, projeté en compétition au 25e Festival du cinéma européen de Lecce après son passage au Festival international du film Love & Anarchy de Helsinki et au Festival international Fusion dOslo. Le titre original du film, Glasskår, signifie "fragments de verre" ; le titre international renvoie de son côté aux blessures qu'on porte en soi depuis l’enfance. Les deux éléments (le verre et les blessures, métaphoriques et réelles) se combinent bien dans ce travail qui commence comme n’importe quel récit d’été un peu ennuyeux et finit par traîner son jeune héros (ici un garçon de 16 ans qui passe les vacances chez ses grands-parents à la campagne), avec son visage angélique et ses boucles blondes, dans une spirale d'avilissement, d'humiliation et de masochisme qui fait mal rien qu’à le voir.
Tobias (Noa Risbro) est un garçon introverti, amateur de skate et avide d’amour. Sa mère (Iben Dorner) n’a pas de temps pour lui (elle préfère le consacrer à ses amants), d'où la solution des grands-parents (Jens Jørn Spottag et Bodil Jørgensen). Le papy, verrier, enseigne à son petit-fils les bases du métier ; la grand-mère, atteinte de démence, donne au jeune homme le peu d’affection qu’il ne reçoit pas de ses parents – car le père de Tobias (Paw Henriksen) est absent aussi : il a une autre famille, et une petite fille qui n'aime pas que son demi-frère soit avec eux pendant les vacances. Les journées d’été semblent interminables. À la campagne, il n’y a rien à faire, alors Tobias bulle entre les champs, les bistrots et les stations-service. Il fait deux rencontres différentes : d'un côté celle de Jonas, un garçon blond et avenant qui gagne sa vie comme gigolo et attend ses clients à l’arrêt de bus, et de l’autre Aron, 25 ans, un brave garçon qui est aussi le peintre en bâtiment du village.
On pourrait avoir l'impression qu'à un moment, le film se met à ressembler à Call Me By Your Name [+lire aussi :
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fiche film] à la sauce danoise (car le jeune Tobias et Aron, plus âgé, sont attirés l’un par l’autre mais dans l'impossibilité de vivre leur passion à la lumière du chaud soleil estival), mais pas du tout : après une mort inattendue, le film prend un autre chemin et entraîne progressivement son héros dans une spirale qui descend de la lumière à l’obscurité la plus totale. Tobias a l'impression de ne mériter que de la souffrance et se l'auto-inflige. "Les mains sont le miroir de l’âme", lui répète sa grand-mère, eh bien lui se les blesse volontairement. Le jeune homme utilise aussi le sexe comme une manière de sentir une autre douleur : il pratique un sexe mercenaire et mortifiant, vulgaire, désespéré. B.O.Y. Bruises of Yesterday est donc un film qui ne dévoile pas tout de suite ses intentions, mais progresse peu à peu et prolonge l'enquête de Søren Green sur le thème de la solitude juvénile et l'incapacité de verbaliser ses sentiments, une situation que le réalisateur a vécue à la première personne et qu’il a déjà abordée dans des courts-métrages. C'est un film qui parle aussi de deuxièmes chances, de l'importance de se sentir aimé et, chose plus importante encore, c'est une invitation urgente à ne pas laisser nos adolescents seuls avec leurs démons.
B.O.Y. Bruises of Yesterday a été produit par la société danoise Asta Film Aps. Les ventes internationales du film sont gérées par LevelK.
(Traduit de l'italien)
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