Critique série : Ceux qui rougissent
par Muriel Del Don
- Cette série dramatique proche du documentaire de Julien Gaspar-Oliveri sur une troupe de théâtre d’un gymnase suisse est à la fois un portrait subtil de l’adolescence et un hommage au théâtre

Sélectionnée au Geneva International Film Festival dans la section Highlights et précédemment élue meilleure série Format Court au Festival Séries Mania de Lille, Ceux qui rougissent de Julien Gaspar-Oliveri surprend par sa façon presque documentaire de filmer le malaise mais aussi les espoirs d’une génération qui a besoin de rêver. En prenant ses distances avec les stéréotypes des séries ado habituelles, Gaspar-Oliveri préfère aller à la rencontre des lycéens d’aujourd’hui. Le résultat est un portrait saisissant d’un quotidien tout compte fait "normal" qui devient, grâce au cinéma, extraordinaire.
Ceux qui rougissent est une minisérie de huit épisodes de dix minutes qui montre (enfin) le vrai visage de l’adolescence, avec ses moments de tendresse mais également de doute et de remise en question. Diffusée depuis septembre sur Arte France et actuellement sur la plateforme de la Radio Télévision Suisse Play RTS, Ceux qui rougissent met en scène un professeur remplaçant (interprété par Julien Gaspar-Oliveri) qui vient troubler la monotonie d’un lycée (ou gymnase, comme on l’appelle en Suisse) suisse. En charge d’un atelier de théâtre qui sent un peu le moisi, ce nouvel arrivé bouleverse les habitudes de ses élèves en leur proposant de "vivre" le théâtre avec passion, comme un art et non pas comme un passe-temps. La troupe de onze élèves redécouvre Le Songe d’une nuit d’été de Shakespeare grâce à leur nouveau prof, sorte de guide vers la beauté du texte mais aussi révélateur de talents cachés.
A travers des exercices insolites, basés sur l’improvisation, le nouveau prof aide ses élèves à regarder le monde autrement, à se libérer des aprioris qu’ils et elles ont sur un texte classique devenu, avec le temps indigeste. Leur vécu, les expériences individuelles qui ont marqué leur vie deviennent matière à rêver, base sur laquelle construire des utopies. Le vrai visage de l’adolescence est ainsi révélé à travers la pratique théâtrale qui permet à ces élèves de devenir les protagonistes de leur propre vie.
Avec une mise en scène proche du documentaire, Ceux qui rougissent nous permet de rentrer dans l’intimité d’un groupe de jeunes qui se dévoilent devant la caméra comme si cette dernière n’existait pas. Ce dispositif permet au public de "ressentir" frontalement les émotions des protagonistes, une immersion en eau profonde, à la fois fascinante et dangereuse. Comme des écorchés vifs, les protagonistes de Ceux qui rougissent doivent gérer leurs émotions, aller au-delà de leurs limites, se libérer face à la pression du groupe pour atteindre la "vérité" du jeu, pour comprendre ce qu’est, en réalité, le théâtre. Les corps de ces jeunes deviennent ainsi caisses de résonance d’un univers intime qui se dévoile sur scène, de façon cathartique.
A travers le quotidien de ces jeunes, fait de joie mais aussi de larmes, l’adolescence est montrée dans toute son ambigüe beauté, un moment suspendu dans lequel tout peut changer et se métamorphoser en un instant. Julien Gaspar-Oliveri ne tombe jamais dans les clichés en refusant de céder aux facilités des séries ado drôles mais superficielles qu’on connait trop bien. Ce qui l’intéresse est l’intimité qui se crée au sein du groupe d’adolescents qu’il filme, la sincérité et la sensibilité de leurs échanges, ainsi que la passion pour le théâtre qui anime chaque minute de leur quotidien. Ceux qui rougissent est une série émouvante, drôle et attachante qui bouleverse nos certitudes.
Ceux qui rougissent est produit par Melocoton Films et Box Productions.
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