Critique : Miocardio
par Alfonso Rivera
- Dans son deuxième long, José Manuel Carrasco réunit Vito Sanz et Marina Salas pour parler, entre humour et mélancolie, de secondes chances, de plaies encore à vif, et de crises mentales et créatives

Le myocarde est le muscle qui entoure le cœur, pompe notre sang et nous permet de vivre. C’est aussi le titre, gonflé de symbolisme, du deuxième long-métrage de José Manuel Carrasco, Miocardio [+lire aussi :
interview : José Manuel Carrasco
fiche film], qui a été présenté dans la nouvelle section Rampa du 21e Festival du cinéma européen de Séville. Le film est interprété par cet acteur qui fait l'effet d'être le fils caché de Jack Lemmon et Woody Allen, à savoir Vito Sanz, et une actrice pétillante, muse du réalisateur : Marina Salas.
Dans Miocardio, ils débordent d’alchimie, mais pas toujours dans le bon sens. C'est que dans la lignée de couples iconiques comme Elizabeth Taylor et Richard Burton, Katharine Hepburn et Cary Grant ou Tom Hanks et Meg Ryan, ils se disputent beaucoup, se livrant de continuels duels dialectiques, parfois avec beaucoup d'aigreur. C'est qu'ils ont auparavant formé un couple, mais l’une a quitté l’autre et à présent, il faut bien en parler (malgré les rancœurs, les fantômes du passé et autres cadeaux de ce type), se dire ses quatre vérités et essayer de refermer les blessures mal cicatrisées.
Les 75 minutes que dure ce film se déploient entre deux décors : un plateau de télévision et un appartement lumineux et accueillant, mais avec des fuites et dégâts des eaux. Dans le premier décor, l’écrivain qu'interprète Luis Callejo (qui est déjà intervenu dans les courts-métrages du réalisateur, Vida en Marte et Consulta 16) répond à des questions dans le cadre d’une interview. À partir de ses réponses, la caméra voyage dans l’espace-temps jusqu’à arriver dans le second décor, où Vito Sanz Vitor se réveille avec un de ces coups de mou qui présagent la fin de votre monde.
Cependant, un appel téléphonique va donner un autre tour à son existence triste et désespérée, après quoi Ana (incarnée avec énergie par Marina Salas) se présente à sa porte. Comment, alors, ne pas parler du passé, entre ancienne actrice avec la tête pleine de rêves et écrivain auquel la critique avait apposé l'étiquette de "jeune promesse" à ses débuts et auquel elle continue de coller ridiculement, car il n’a jamais plus rien publié.
À partir de là, Carrasco déploie toute son habilité démontrée pour écrire des dialogues ingénieux et confronter deux personnages qui, entre comédie et drame, se crachent au visage des vérités, des reproches et autres gentillesses du même acabit, alimentées par des années de silence et d'éloignement. Ces retrouvailles qui ont une saveur de rage, de rancœur et de nostalgie, le cinéaste, comme dans une boucle infinie ou la énième version d'Un jour sans fin, va les répéter quatre fois, pour illustrer les différentes opportunités que la vie peut, parfois, nous offrir.
Miocardio, qui bénéficie d'une mise en scène simple, mais suffisamment chargée et profonde, s'appuie sur les interprétations engagées de ses comédiens dans des dialogues qui n’abusent pas des plaisanteries, mais ne se privent pas d’user de jeux de mots, et sur le pouvoir de l'imagination pour revivre des moments, retrouver espoir et arriver à remettre à flot des vies à la dérive. Au bout du compte, c'est encore avec le sourire qu'on parle le mieux de sujets délicats, ce que savait très bien faire Billy Wilder, en qui Carrasco a trouvé un modèle et un maître.
Miocardio a été produit par Malvalanda.
(Traduit de l'espagnol)
Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.